Crissey

TRIBUNAL DE CHALON - Le PSIG a sorti les armes, ce 11 octobre dans un pré à Crissey.

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 15 Octobre 2024 à 09h28

TRIBUNAL DE CHALON - Le PSIG a sorti les armes, ce 11 octobre dans un pré à Crissey.

« Nous sommes sur les routes toute l’année. » Dans le box, un circassien, c’est peu banal. En parties civiles, deux gendarmes.

 Ils ont sorti leurs armes mais n’ont pas tiré. Maître Mirek intervient, ce lundi 14 octobre à l’audience de comparution immédiate, pour les deux gendarmes qui, au plus près des deux scènes qui se sont succédé, ont eu très peur, « une peur intense ». « Ils ne doivent leurs vies qu’à la présence d’une pierre. » Retour sur les faits.

On va tâcher de synthétiser comme l’a fait le procureur de la République parce que l’instruction fut fort longue en raison de l’expansion du prévenu mais aussi du tribunal.
Chaque audience est marquée par le style de celui qui la préside, mais autant la plupart des juges s’effacent au profit de la procédure et du respect des places et des fonctions de chacun – paradoxalement cela exige une personnalité solide - , autant d’autres n’y parviennent pas. C’est aussi en cela que juger est difficile : ça ne doit pas ressembler aux jugements et préjugés qui courent bêtement les rues.

« Le tribunal précise que dans ce dossier il n’a pas de copié-collé de procès-verbaux »

Le prévenu est âgé de 38 ans, il dit vivre depuis 20 ans avec une femme une relation conjugale faite de hauts et de bas. Ils ont deux enfants qui sont hélas tous deux malades. 
Ce 11 octobre, la femme appelle les gendarmes au secours : elle s’est réfugiée dans une pharmacie, elle veut quitter son conjoint, il est violent, elle a peur. 
« Les gendarmes font leur travail, commente alors la présidente. C’était leur devoir de se rendre sur la commune de Crissey. » Puis elle ajoute : « Le tribunal précise que dans ce dossier il n’a pas de copié-collé de procès-verbaux ». Le prévenu est ainsi prévenu de la position du tribunal. On a une pensée pour les dossiers à copiés-collés de PV.

L’homme saisit une carabine et la pointe sur le militaire. L’homme rigole

Bref, les gendarmes ont récupéré la femme, celle-ci veut emporter les traitements de ses enfants et son véhicule si on a bien compris, lequel est garé dans le camion. L’homme dit qu’il va chercher une échelle sous le chapiteau pour accéder à une fenêtre du camion et y entrer, car il y a un problème de clé. Un gendarme l’accompagne. Sous le chapiteau l’homme saisit une carabine et la pointe sur le militaire. L’homme rigole. C’est « la carabine à ballons ». Le gendarme, lui, ne rit pas, mais « il réagit bien, en parlant avec le mis en cause » dira le procureur.

« Toute personne normalement constituée » - sic

Ils arrivent au camion, « un 26 tonnes ». Le tribunal demande au prévenu pourquoi il n’a pas laissé madame démarrer et sortir son pick-up elle-même (appréciant même la situation ainsi : « Toute personne normalement constituée aurait attendu le départ des gendarmes » ). Sauf que ce sont les gendarmes qui s’y sont opposés ce qui est logique puisqu’ils s’assuraient de la sécurité de la femme et que celle-ci voulait sa voiture.

« Un homme du PSIG lui a demandé : ‘Pourquoi t’as fait ça ?’ »

L’homme dételle la remorque du camion puis installe les rails. Il dit aux gendarmes de s’écarter parce qu’il va donner de la vitesse au véhicule et il démarre. Il va aussi vite qu’il est possible d’aller dans ce contexte. Il dit toujours faire ainsi. Le 4x4 descend en marche arrière, percute une pierre dans le champ puis repart vers l’avant et se scratche sur une autre pierre qui arrête le véhicule « à 2 ou 3 mètres des gendarmes ». 
« Un homme du PSIG lui a demandé : ‘Pourquoi t’as fait ça ?’, monsieur a répondu : ‘Je suis malade, il faut que je me fasse soigner’ » rapporte le procureur de la République pour qui les violences sont caractérisées et qui requiert « vu l’état de récidive légale et la gravité des faits », une peine mixte dont 1 an de prison ferme avec maintien en détention.

« J’ai jamais pensé que ça se déroulerait aussi gravement. J’ai jamais voulu les blesser »

Le tribunal passe pas mal de temps sur la question de l’intention. Le prévenu parle sans hésitation : « Je regrette. J’ai jamais pensé que ça se déroulerait aussi gravement. J’ai jamais voulu les blesser. Si je l’avais voulu, je suis lanceur de couteaux, les couteaux étaient sous le chapiteau. Ou bien j’aurais démarré le 26 tonnes. Je n’ai pas cherché à écraser les gendarmes ! Ils ont cru que j’allais me sauver, mais non. Et puis quand on vous met en joue, on ne coupe pas le moteur, on lève les mains. Je suis vraiment désolé pour eux. Je n’ai rien contre eux, je n’ai pas vu le danger. »

« Il tremblait », « il transpirait beaucoup »

Il dit tout cela à l’audience. Sur le terrain, « il tremblait », « il transpirait beaucoup ». C’était un drama émotionnel qui se jouait pour lui. « J’ai déjà fait appel aux gendarmes. Je vous assure, je n’ai rien contre eux. » L’audience rate cette dimension (qui pourtant ne contrarierait pas une décision de condamnation).
Au casier du prévenu, deux condamnations, en 2017 et 2020, les deux pour des violences (une fois sur conjoint, et puis une bagarre dans un restaurant).

« Une ambiance bizarre »

Maître Marceau revient sur la question de l’intention, dans « une ambiance bizarre ». « Les gendarmes ont eu peur, on aurait eu peur aussi, mais on est à 1000 lieues d’un refus d’obtempérer. » L’avocat lit des extraits de PV, comme « Monsieur a-t-il été menaçant ? – Il a toujours été très courtois. », puis observe qu’après l’épisode de la carabine, il n’a pas été menotté immédiatement. En résumé le prévenu était alors « un peu excité » mais « pas menaçant, ni verbalement, ni physiquement ».

« Il y a donc un doute sur la nature de son intention »

« C’est une situation ubuesque » plaide Julien Marceau. « Et puisque tout le monde y va de sa théorie, je vais donner la mienne : sa femme, et c’est enregistré par la caméra-piéton, a dit ‘Ne le laissez pas prendre le véhicule, il va le casser !’, et effectivement c’est ce qui se passe (l’avant de la voiture est arraché, ndla). Peut-être que son intention était là. Il y a donc un doute sur la nature de son intention. Il me paraît un peu cavalier que de supposer qu’il ait eu l’intention de violenter les gendarmes voire de les tuer. » Même si, ajoute-t-il, il comprendrait que les victimes intentent une action civile pour que soit reconnu leur préjudice moral.

« Le tribunal n’a pas été convaincu par ces explications »

« Le tribunal a entendu vos explications, dit la présidente au prévenu, et les observations de votre avocat mais le tribunal n’a pas été convaincu par ces explications et considère qu’il n’y a pas de doute sur la caractérisation de l’infraction. » La peine est fixée en fonction « de vos antécédents judiciaires, de l’état de récidive mais aussi de la gravité des faits reprochés et ça il faut que vous l’entendiez ».
L’homme est condamné à la peine de 12 mois, « sans sursis probatoire eu égard à votre mode de vie », avec maintien en détention. Interdiction de détenir/porter une arme pendant 3 ans. Il devra indemniser les deux gendarmes au titre de leur préjudice moral.

FSA