Culture

La star Roberto Alagna sous les traits d’Al Capone en mars 2025 à Chalon-sur-Saône…

La star Roberto Alagna sous les traits d’Al Capone en mars 2025 à Chalon-sur-Saône…

Le Parc des Expositions de la cité de Niépce sera l’objet d’un gangstérisme factice le vendredi 7 mars 2025 à partir de 20h, lequel Parc ramènera sans équivoque aux années 20.Interview de Roberto Alagna pour info-chalon.com.

 Pas de pétarades ni de coups fourrés en perspective, mais l’expressivité de la comédie musicale Hors-la-loi, où les interprètes feront assaut de volonté d’en découdre. 

Rêviez-vous de jouer dans une comédie musicale, et, qui plus est, d’avoir le rôle-titre ?

«Non, je n’ai pas rêvé de ça, parce que je n’ai pas rêvé de grand-chose en vérité. Je n’ai jamais été vraiment ambitieux. Mon rêve le plus grand, c’était de pouvoir chanter, même dans un chœur.  Je suis le premier étonné d’avoir pu accomplir tout ce que j’ai accompli. Mais c’est vrai que si on m’avait proposé une comédie musicale plus jeune, peut-être que j’aurais hésité, parce que je me sentais incapable de faire ce genre de discipline. Je dis toujours que les choses arrivent quand elles doivent arriver, et c’est ce qu’il s’est passé. Donc je suis ravi que Jean-Félix Lalanne ait pensé à moi pour cette œuvre, car j’ai adoré me produire dans ce spectacle, et là, maintenant la tournée « Hors-la-loi » c’est mon idée, en fait c’est moi qui ai trouvé le titre. J’ai voulu mettre en avant les chansons de la pièce musicale, et de faire un tour de chant avec cette musique que je trouve vraiment magnifique. »

Qu’est-ce qui vous a convaincu de franchir le pas ?

« C’était en plein lock down, vous savez pendant le confinement ; Jean-Félix m’a appelé, nous sommes amis depuis longtemps, nous avons fait des choses ensemble, et il m’a dit ceci : »Voilà, j’ai écrit une pièce musicale, j’ai pensé à toi pour le rôle-titre, qui est le rôle d’Al Capone ». Je lui ai répondu : ah bon, mais comment se fait-il que tu aies pensé à moi ? Il m’a dit que c’était parce qu’il avait vu qu’Al Capone était passionné d’opéra, et qu’il fallait absolument Roberto. Alors il m’a fait rire avec ça, et en même temps il m’a intrigué. Je suis allé chez lui, il m’a fait écouter les maquettes, il n’y avait pas encore de paroles, de voix, il n’y avait rien. Il y avait juste la musique et j’ai tout de suite été emballé par elle, par ce qu’il me racontait, et voilà. Quand je suis emballé par un projet, après je mets tout en œuvre pour m’impliquer à 100%, et amener le projet jusqu’au bout. C’est ce qu’on a fait. »

 

Se glisser dans la peau d’un malfrat patenté, vous n’y allez pas de main morte ?

« Moi aussi je m’étais dit : tiens, c’est curieux ! Pourquoi ? Parce que c’est un personnage qui est tellement loin de mon tempérament, mais quelque part c’est ce qui m’a plu, parce que c’est le côté gentil du personnage, beaucoup plus profond. C’est plutôt une histoire de Roméo et Juliette à Chicago. Capone est là un peu pour protéger sa sœur, il est très possessif, il est dans une sorte de dilemme, puisque que sa sœur est amoureuse de son pire ennemi. Cette histoire m’a donc emballé, et puis en fait on ne voit pas le côté sombre de son personnage. Ça reste quand même une fiction, ça finit dans la joie, la bonne humeur. Je me souviens que pendant ces quarante-huit représentations (l’interview a été effectuée le jeudi 3 octobre NDLR), le public, heureux, nous a fait chaque soir une standing ovation, et puis on finissait en dansant tous ensemble, donc c’était quand même bon enfant. »

L’esprit d’équipe, l’appréciez-vous à sa juste valeur ?

« Oui, j’aime beaucoup, parce que nous à l’opéra il se passe un peu la même chose. On est une équipe, on reste un mois ensemble, on travaille, on fait des répétitions. Mais là il y a encore quelque chose de différent, car on est tous les soirs dans la même loge, avec la même équipe. On joue tous les soirs, tous les jours, et même deux fois le samedi, c’est encore une autre discipline. Honnêtement, j’ai adoré ça. D’ailleurs, Jean-Félix est en train de travailler sur une autre œuvre qu’il compose pour moi, sur Caruso. Ça m’intéresse aussi, avec une sorte de rivalité amour-haine-admiration entre Caruso et le directeur du Metropolitan (situé à new York NDLR) de l’époque, qui était Gatti-Casazza. Un peu comme Salieri et Mozart. Ca m’a plu, parce que j’essaie de retrouver encore cet esprit de groupe.»

La dualité Capone-Ness prend-elle beaucoup de libertés avec la réalité ?

«Oui, quand même, ça reste une fiction. Ca n’est jamais arrivé, bien sûr. C’est une fable quelque part, mais c’est ça qui est intéressant, de détourner la vérité, de faire de propos réels une fiction. C’est ce qui est beau, parce que d’un coup ça devient comme l’histoire avec Caruso, une fiction, mais avec des bribes de réalité. C’est ça qui m’intéresse. »

Quelle est la difficulté majeure de cette aventure artistique ?

« Pour moi ça a été de me couler dans une sorte de voix pop amplifiée, puisque j’ai l’habitude de chanter surtout sans amplification. Là il fallait être amplifié, et donc avec des micros. Le problème, c’est quand je poussais trop la voix, elle entrait dans les micros des autres, qui étaient à proximité ! Et ça a été difficile pour moi de gérer ça, de trouver le juste équilibre pour que les gens reconnaissent bien sûr ma voix, étant donné que je ne pouvais pas complètement dénaturer ma voix. C’était aussi une sorte de travail avec les ingénieurs du son, parce qu’à chaque fois que je chantais on coupait les micros des autres. Ca allait quand on ne chantait pas les uns sur les autres, mais dans les duos, les trios où on chante ensemble c’était plus compliqué. Quelque part c’était intéressant, car ça m’a permis aussi d’émettre ma voix d’une autre façon. »

Seriez-vous partant à l’avenir pour refaire d’autres comédies ?

« Oui, parce que là on va travailler sur une autre comédie. On m’a proposé encore d’autres choses, mais vous savez, le temps aujourd’hui, je cours contre la montre… Donc c’est difficile de tout préparer. On est aussi en train de préparer des opéras pour moi, de nouvelles compositions, sur le magicien Houdini avec Laurent Petitgirard qui est un compositeur d’opéra. J’ai encore d’autres projets, et en même temps j’ai toujours ma carrière de chanteur d’opéra un peu partout, au Metropolitan, à la Scala (Milan NDLR), à Paris, Vienne, etc. J’essaie de gérer tout, et en même temps j’ai pas mal de tournées avec « Hors-la-loi » évidemment, mais aussi d’autres tournées lyriques. Cet été je serai à Nîmes pour un duo, qui sera le seul duo que je ferai en France avec mon épouse, qui s’appelle « Love story », avec les plus grands airs de duo et d’opéra. Je serai également en Belgique avec d’autres tournées de chant, avec  des chœurs et un mélange de tout ce que j’ai fait en crossover (mélange de styles musicaux NDLR). Donc vous voyez, il y a beaucoup, beaucoup de choses, et des choses différentes.»

L’art lyrique occupe-t-il la place qu’il mérite auprès du grand public ?

«Oui, bien sûr. C’était la musique moderne de son époque. Alors on parle toujours de l’âge d’or de l’opéra, etc., mais je trouve qu’aujourd’hui l’opéra a une belle place, parce qu’on a de l’opéra partout. On n’a jamais eu autant de festivals dans le monde, il n’y a jamais eu autant de représentations. Après, ce qu’il faut, c’est que les médias nous aident, parce qu’en véhiculant des légendes urbaines du genre : c’est élitiste, c’est trop cher, c’est comme ça, c’est comme si, ça n’aide pas à faire comprendre au grand public que la musique opératique, eh bien c’est de la musique populaire aussi. C’est ce que j’essaie de faire, de faire comprendre que l’opéra c’est la musique populaire de son temps, et donc il peut être également la musique populaire d’aujourd’hui.  » 

Selon la langue utilisée, le français ou l’italien, les sensations sont-elles identiques ?

« Pour moi, oui, parce que j’ai toujours fréquenté ces deux langues, mais  je dois dire que j’aime chanter dans différentes langues. Quand je chante en espagnol c’est la même chose, c’est comme chanter en italien. Quand je chante en roumain, même en allemand aujourd’hui, en polonais ou en russe, c’est ce que j’ai fait dans mon dernier disque, ou en napolitain, en sicilien… pour moi c’est toujours un plaisir. L’anglais aussi, d’ailleurs on est en train aussi de travailler une version anglaise de Capone, car on voudrait aussi l’emmener à l’international. J’aime la musique des mots, pas seulement la musique des notes. Chaque langue a sa propre musique, et j’aime découvrir la musique de chaque pays, la musique de chaque langue, ça m’intéresse énormément. »

Travaillez-vous inlassablement votre organe vocal ? Etre ténor, cela sous-entend-t-il davantage d’investissement ?

«Ah oui, bien sûr. Vous savez, quand vous voulez faire une carrière opératique il faut sacrifier beaucoup de choses. Donc sacrifier les sorties, l’exubérance de la vie…Il faut avoir une vie disciplinée, user mais n’abuser de rien. Et surtout, ce qui est terrible, il faut parfois s’éloigner de sa famille et l’accepter. Ca, vous savez, c’est très dur. Lorsque vous êtes un mois, deux mois à l’extérieur  sans revenir, c’est difficile. Aujourd’hui ça va mieux, parce qu’on a la possibilité avec Face Time de se voir par écran interposé. On se voit, mais je me souviens quand j’étais plus jeune, que ma fille était à la maison avec mes parents, sa maman était décédée, c’était très dur. On ne pouvait que s’appeler au téléphone, on ne se voyait pas. Quand je revenais ma fille avait changé, j’avais raté plein de choses. Après, il n’y a pas d’âge, je travaille ma voix tous les jours, et il y a aussi une sorte de méditation à faire, parce que le corps vieillit, la voix vieillit, tout vieillit. Il faut un mental d’acier, à chaque fois trouver la solution pour, avec la voix d’aujourd’hui, essayer d’être comme hier, même si on n’est plus comme hier. Ce n’est pas évident ! »    

Y a-t-il des scènes ou vous vous sentez davantage à domicile ?

«Je me sens bien dans tous les théâtres et dans toutes les villes du monde, parce que pour moi les théâtres sont comme des temples, ce sont des temples comme pour les croyants. En ce qui me concerne l’opéra est une religion, c’est pourquoi j’ai la foi toujours aussi forte, c’est important. C’est vrai que quand je me retrouve au Metropolitan il y a quelque chose de particulier dans cet opéra, car je sais que Caruso a été là, que ma famille vient de New York aussi. Mon arrière-grand-père est né là-bas, il y est mort, il connaissait Caruso. Donc il y a des antécédents avec cette ville, mais par exemple quand je me retrouve à Orange avec ces vieilles pierres, etc. là aussi j’ai l’impression d’accomplir un pèlerinage à chaque fois, chaque année. Je suis toujours ému d’être sur scène, et il y a des endroits particuliers comme ça qui me touchent encore énormément. »

Quel est votre futur, proche ou pas, avec l’opéra ?

« Ca continue, j’ai des engagements jusqu’en 2028 pour le moment. C’est déjà pas mal, ça commence à me faire peur même, parce que je me dis : tiens en 2028 j’aurai quel âge, est-ce que je serai encore capable d’assurer ce qu’on me propose ? On me propose des opéras encore très difficiles, mais en même temps ça me prouve qu’ils ont confiance en moi. Quand je vois que le Metropolitan m’appelle encore pour Turandot en 2028, ça me fait tourner la tête. On verra bien, si eux ont confiance, il faut que j’aie confiance en moi et que je me botte l’arrière-train en me disant : allez, il faut que je reste dans la course (rires). »

Avec quel chanteur, ou quelle chanteuse, aimeriez-vous ou auriez-vous aimé constituer un duo ? »

« Par curiosité, j’aurais bien aimé rencontrer Caruso, ça c’est sûr. Et pourquoi pas faire un duo avec lui ? Il a été mon modèle. Mon arrière-grand-mère et mon arrière-grand-père l’ont connu, mon arrière-grand-mère est venue nous rejoindre après en France. Elle est décédée quand j’avais vingt ans, donc j’ai eu le temps de lui poser toutes les questions possibles sur Caruso. Elle me racontait son histoire à New York, etc. C’est vrai que ça m’a fait rêver, et quand j’avais dix ans, j’ai vu le film Le Grand Caruso avec Mario Lanza qui incarnait Caruso, eh bien pour moi c’était comme si je voyais mon arrière-grand-père. Il y avait quelque chose de familial là-dedans, ça m’a toujours troublé. Quelque part je l’ai un peu fait, puisque que j’ai rendu un hommage dans un disque qui s’appelle Caruso avec l’année de sa date de naissance, qui était 1873. J’ai essayé de chanter avec sa technique et à sa façon, pour montrer l’évolution de la technique vocale jusqu’à aujourd’hui, et aussi l’évolution de la technologie, c’est-à-dire la manière d’enregistrer. Ce disque a été pour moi très, très fort, parce que je chantais en ayant la voix de Caruso en tête. Je faisais les mêmes respirations, les mêmes phrasés, les mêmes tonalités, les mêmes indications. J’ai essayé de me mettre dans la peau et dans la voix de ce personnage. »

 

Pour être sûr d’avoir son précieux sésame

Le prix des places : de 50,00 euros à 88,00 euros. Places assises numérotées. Lieux de location habituels. Renseignements auprès d’A Chalon Spectacles : 03 85 46 65 89, ou [email protected]  

 

Crédit photo : DR                                                Propos recueillis par Michel Poiriault

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