Saône et Loire
Vous voulez maîtriser votre fin de vie ? C’est votre droit ! selon l’ADMD
Par Nathalie DUNAND
Publié le 02 Novembre 2024 à 11h43
À l’occasion de la 17e Journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité, ce samedi 2 novembre, Pierre BOUCAUD, délégué de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) en Saône-et-Loire, creuse avec Info-Chalon la question de la fin de vie.
« L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) a été créée en 1980 par un médecin et un écrivain, explique Pierre BOUCAUD. Elle milite depuis presque 45 ans pour que chaque Français puisse choisir les conditions de sa propre fin de vie. Elle était tenue d’être discrète à ses débuts, parce qu’on ne parlait pas tout haut de ce sujet. La société a évolué et le sujet est devenu une question de société. Des personnalités s’y sont intéressées – dont Jean-Luc Romero, un politique très médiatique, qui a été président de l’ADMD jusqu’en 2021, auquel a succédé Jonathan DENIS, qui fait un travail remarquable. »
Ajoutons les soutiens de nombreux artistes (chanteurs, comédiens, dessinateurs, musiciens), scientifiques (biologistes, professeurs de médecine, physicien), philosophes et écrivains, journalistes, élus ou politiques de tout bord.
Fin de vie : ce que permet la loi française
Adoptée en 2016, la loi Claeys-Leonetti permet, lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, une "sédation profonde et continue" provoquant une altération de la conscience jusqu’au décès des malades. Le patient n’est plus nourri ni hydraté. Pour autant, cela ne permet pas de provoquer activement la mort. En clair, l’euthanasie et le suicide assisté restent interdits en France.
Ici, quelques clarifications sur le lexique de la fin de vie sont nécessaires : euthanasie, suicide assisté, quelle différence ? Dans le cas de l’euthanasie, l’acte létal (qui va entraîner la mort) est effectué par le corps médical. Dans le cas d’un suicide assisté (ou plus exactement “l’assistance au suicide”), c’est le malade qui effectue le geste fatal – et non un tiers – en absorbant un produit létal qui lui a été préalablement délivré.
La principale différence réside donc dans l’implication des soignants.
Qu’en pensent les Français ?
L’institut de sondage Ifop a posé la question récemment, en mai 2024, à l’ensemble des Français : « Selon vous, la loi française devrait-elle autoriser les médecins à mettre fin, sans souffrance, à la vie des personnes atteintes de maladies insupportables et incurables si elles le demandent ? » 92 % des Français interrogés ont répondu OUI, tout âge, toute catégorie sociale et, plus surprenant, toute religion et tout bord politique confondus. L’approbation au recours à l’euthanasie reste, depuis 2001, une écrasante majorité.
Quelles sont les missions de l’ADMD ?
« Nous ne sommes pas égaux devant la fin de vie, c’est cela que nous combattons, explique Pierre Boucaud. Nous voulons que le Parlement vote une loi autorisant l’euthanasie et le suicide assisté, et assure un accès universel aux soins palliatifs. Car la loi Leonetti est encore floue, elle exclut beaucoup de situations désespérées. De plus, la sédation profonde et continue n’est pas satisfaisante, on ignore tout de la souffrance du malade pendant ce lent dépérissement du corps, qui peut s’étirer sur plusieurs jours. »
Qu’on se rappelle le cas du jeune Vincent Humbert, devenu tétraplégique, aveugle et muet, après un grave accident de la route à 19 ans, une affaire qui avait ému la France entière au moment où le jeune homme avait adressé une lettre au Président de la République, réclamant le droit de mourir : la loi ne proposait rien et celle de 2016 exclut toujours cette situation.
« Finalement, reprend Pierre Boucaud, la loi française suscite de grandes inégalités face à la fin de vie : ceux qui ont les moyens peuvent envisager une fin de vie en Suisse (environ 12 000 €), ceux qui ont des relations auprès de membres du milieu médical ouverts à la liberté de choisir sa fin de vie, peuvent “les faire jouer”, dirons-nous. L’inégalité est aussi géographique : une loi française permet aux frontaliers de se soigner en Belgique, leurs soins ou leur fin de vie sont pris en charge par l’assurance maladie !
La Belgique, la Suisse, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Espagne et récemment le Portugal ont autorisé l’euthanasie active, sous des formes différentes. L’euthanasie choisie est une ultime liberté et le principal objectif de l’ADMD est justement de laisser chacun libre du choix de sa fin de vie. »
Faire connaître ses choix de fin de vie
L’ADMD propose de remplir un document officiel, contrôlé par des juristes : les directives anticipées. Il s’agit d’une déclaration écrite rédigée par le patient pour connaître sa volonté sur les conditions de prise en charge médicale de sa fin de vie : Si je me trouve hors d’état d’exprimer ma volonté à la suite d’une affection incurable quelle qu’en soit la cause, ou d’un accident grave entraînant une dégradation irréversible de mes facultés, JE DÉCLARE SOLENNELLEMENT […]. Le document pourra être conservé dans le Fichier National des Directives Anticipées de l’ADMD, qui conseille d’en remettre également une copie à votre médecin et aux personnes de confiance de votre choix.
Ces directives anticipées s’imposent désormais aux médecins, et elles concernent tous les âges. En effet, l’ADMD est une association parfaitement transgénérationnelle puisqu’elle est dotée d’une structure autonome « Les Jeunes ADMD ».
Concluons par les mots du philosophe André Comte-Sponville : « En France, le suicide n’est pas un délit ; or, l’assistance au suicide en est un ? »
Et, faisant référence aux Anciens : « Ce qui est bien, ce n’est pas de vivre, mais de vivre bien. » (Sénèque)
Ils soutiennent les missions de l’ADMD
Line RENAUD (marraine de l’ADMD) : « Si notre vie nous appartient, il doit absolument en être de même pour notre mort », Nathalie BAYE, Boris CYRULNIK, Mireille DUMAS (journaliste), Raphaël ENTHOVEN (philosophe), Laurent FABIUS, Jean-Luc MÉLENCHON, Michel ONFRAY (philosophe), Pierre-Gilles de GENNES (physicien, prix Nobel), Françoise GIROUD (ancienne ministre, écrivaine), Hubert REEVES (astrophysicien), Michel ROCARD (ancien premier ministre) et bien d’autres…
Par Nathalie DUNAND
[email protected]
Plus d’infos :
ADMD en Saône-et-Loire :
Pierre Boucaud, délégué départemental : 06 52 46 80 90 – E-mail : [email protected]
ADMD au niveau national :
Site : admd.net – E-mail : [email protected] – 01 48 00 04 16
ADMD Écoute : 01 48 00 04 92
Fichier national des directives anticipées : 01 48 00 09 89 – E-mail : [email protected]
Jeunes ADMD : 01 48 00 04 16 – E-mail : [email protected]
- Le regard des Français sur la fin de vie, enquête Ifop pour l’ADMD
- Mourir dans la dignité. Plaidoyer pour la dernière des libertés (éditions Le Cherche Midi, 2024) de Jonathan DENIS
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