Agglomération chalonnaise

TRIBUNAL DE CHALON - L'instituteur filmait dans les toilettes de l'école

TRIBUNAL DE CHALON - L'instituteur filmait dans les toilettes de l'école

Ce lundi 4 novembre en fin de journée, un instituteur a été jugé pour des atteintes à l’intimité de la vie privée. Il filmait par téléphone interposé, dans les toilettes - réservées aux adultes - de l’école dans laquelle il travaillait, le personnel qui passait par là.

 L’Education nationale avait déjà rappelé à l’ordre cet instituteur qui harcelait une collègue. Aucune plainte n’avait été déposée. Puis suite aux faits jugés ce jour, l’institution l’a suspendu pour 4 mois. 
Ce n’est pas la première fois qu’une affaire grave arrive devant le tribunal et qu’on apprend qu’en réalité il y avait déjà eu des problèmes, mais que l’Education nationale finalement pensait devoir gérer ça en interne. Comme l’Eglise. Ce côté « Etat dans l’Etat » est assez désagréable, pour ne pas dire anormal, surtout quand on a la charge de travailler à l’éducation et à l’instruction de tous les enfants du pays. Faudrait savoir si les leçons d’instruction civique ont un sens ou pas, ou si réellement l’Education nationale a un statut d’exception au sein de la République française. 

Les faits

Le 30 août dernier, la commune de Châtenoy-en-Bresse requiert les gendarmes : le personnel de l’école maternelle et primaire de la commune s’est réfugié dans les locaux de la mairie, c’est un peu la panique en ce jour de pré-rentrée. 
Une institutrice a trouvé dans les toilettes, au pied d’une poubelle, un IPhone au dos duquel du scotch double face laisse penser qu’il n’est pas simplement tombé d’une poche. A la suite, la femme alerte une collègue et elles croisent un collègue homme, lequel devient confus, s’empare du téléphone et quitte précipitamment l’école. On s’inquiète parce qu’il est « instable psychologiquement », et puis c’est quoi cette histoire de téléphone ? 

C’est une affaire de voyeurisme, sous couvert, si on écoute le prévenu, d’une sorte de passion amoureuse pour une collègue. Celle-là même qui s’était plainte de comportements harcelants de la part de cet homme. La hiérarchie interne à l’Education nationale avait demandé à son instituteur de garder ses distances, lui adressant « une mise en garde ». C’est ainsi qu’en juin 2024, puis en août, il passe un cran et pas un petit cran.

Sous les revers des sacs poubelles

Dans l’école, deux toilettes sont réservées aux adultes, dans l’école maternelle et dans l’école primaire. Dans chaque endroit, des poubelles sont installées presque face aux cuvettes. De grands sacs en plastique ont des revers. L’homme fixe les téléphones sous les revers des sacs dans lesquels il a fait un trou pour la caméra, cadrant au mieux ce qu’il vise. Puis il lance l’enregistrement vidéo et revient environ une heure plus tard, c’est ce qu’il dit à l’audience.

Le 30 août, les gendarmes fouillent l’école. L’instituteur revient en début d’après-midi. Il est interpellé et placé en garde à vue, laquelle sera levée quand un médecin dira l’état du mis en cause incompatible avec la GAV. Le 4 septembre, le risque suicidaire important passé, la garde à vue reprend. Le lendemain l’homme est placé sous contrôle judiciaire. Une expertise psychiatrique est ordonnée (obligatoire pour tous les faits à caractère sexuel).

Le prévenu

A la barre se tient un homme né en 1968, marié depuis trente ans, instituteur depuis presqu’autant de temps et en poste depuis 25 ans dans la même école. Le couple a deux enfants majeurs, connaît des épreuves, des choses difficiles, oui, comme il arrive à tant d’autres, ce qui ne minore pas les douleurs, les angoisses endurées. Chacun à l’audience en convient, tout en renvoyant le prévenu à sa responsabilité. 
C’est que l’homme dilue sa responsabilité dans ses chagrins, ses faiblesses personnelles, et une « pure curiosité » qui ne convainc personne, puisqu’aussi bien à son âge il sait bien ce qu’on trouve sous les jupes des filles. 
Maître Rollet le dira : « On ne peut pas passer de maladies de membres de la famille de monsieur à ‘ça’, directement ! »

« Prendre ce que je n’ai pas pu avoir »

Ce que recouvre ce « ça », les juges se sont relayés pour tenter de le circonscrire, car alors qu’il retenait (après la « mise en garde » de l’EN) ses assiduités à l’égard d’une collègue, il répond aux juges qui lui demandent ce qu’il voulait, au final : « C’est prendre ce que je n’ai pas pu avoir. » Puis il se reprend, mais trop tard c’est dit. 
Il y a bien de la violence à l’endroit de ces dispositifs qu’il avait installés, au-delà de son autre déclaration : il voulait une image à chérir, il était jaloux, elle était devenue « froide » avec lui. Vu le type d’image… Bref.

Les faits mettent dans le malaise

Il y a plusieurs victimes, forcément. Avait-il l’idée de faire chanter ses victimes avec ces images ? Non, dit-il. Prenait-il du plaisir à les regarder, comme s’il était sur un site pornographique ? Non, dit-il. Ne serait-il pas voyeuriste ? Non, dit-il. 
Les faits mettent dans le malaise pour une autre raison : ils se déroulent dans une école. Et même si les enfants n’ont pas eu à pâtir des agissements de cet adulte qui fricotait à leur insu, n’empêche, c’est encore plus glauque. La procureur insistera aussi sur le fait suivant : il y a plusieurs victimes, et il les connaissait toutes, ce qui ajoute au malaise.

Comme le font souvent les agresseurs, il se déporte sur la principale victime

L’expert psychiatre parle d’une « personnalité narcissique avec paraphilie voyeuriste ». Le médecin a relevé ce qui frappe le tribunal aussi : le prévenu ne répond pas aux questions qui lui sont posées. Il part dans des développements, longs et pénibles, parfois presque ridicules dans sa volonté d’afficher un malheur personnel, qui pour réel qu’il soit, est déplacé à l’audience parce que sans rapport. 
Comme le font souvent les agresseurs, il se déporte sur la principale victime, « objet de ses désirs » comme a dit la procureur, pour d’un petit coup de patte tenter de la mettre en cause. « Je lui faisais des petits cadeaux qu’elle acceptait. » Comme si un badinage sur le lieu de travail pouvait justifier qu’il filme ses collègues dans un lieu « d’absolue intimité ».

« Je ne vois pas en quoi avoir des malheurs dans la vie justifie un tel passage à l’acte »

« Finalement la victime dans ce dossier, c’est lui » résume maître Charbonnel qui intervient pour l’équipe enseignante. Maître Rollet prend la parole pour la commune, « victime indirecte » et pour deux ATSEM concernées par ce dossier. 
« Je ne vois pas en quoi avoir des malheurs dans la vie justifie un tel passage à l’acte. » La procureur est remontée : « il a fait un choix », « il filme tous ceux qui passent et conserve des images d’une autre femme également, pourquoi ? », « ça s’est passé plusieurs fois ». 
Elle requiert une peine d’un an de prison dont 6 mois seraient assortis d’un sursis probatoire. Le casier du prévenu est néant. Pas de demande de mandat de dépôt pour la partie ferme, rejet de la demande de dispense d’inscription au bulletin n°2 du casier.

« On est en bas de l’échelle des infractions pénales (pour les atteintes à caractère sexuel, ndla) »

Pas de mandat de dépôt, encore heureux, pourrait dire maître Mirek qui plaide pour le prévenu. « On est en bas de l’échelle des infractions pénales (pour les atteintes à caractère sexuel, ndla), même si la défense ne minimise pas. » L’avocate rappelle le bien que dit de lui son épouse, mais pas seulement. Elle rappelle que son client est inséré, stable, investi dans des associations, qu’il a « une prise de conscience réelle qui permet de rassurer les victimes sur la suite ». Qu’il a lui-même déclaré que ce qu’il avait fait était « innommable ». Tiffanie Mirek plaide enfin contre l’interdiction de contact avec les mineurs (aucun mineur n’est victime au dossier), pour la dispense d’inscription au B2, pour un sursis intégral. Le prévenu répète qu’il est « très désolé ».

18 mois assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans

Le tribunal dit l’homme coupable, le condamne à la peine de 18 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Obligations de soins en psychiatrie ou psychologiques, d’indemniser les 9 parties civiles, de payer les droits fixes de procédure. Interdiction d’entrer en contact avec les victimes ainsi que de se présenter à leurs domiciles, interdiction de paraître sur la commune de Châtenoy-en-Bresse. 
Le tribunal rejette la demande de dispense d’inscription au B2.

L’homme sera suivi par un juge de l’application des peines. Il a 18 mois de prison au-dessus de la tête, révocables au besoin. Il est 19h30, l’audience est levée.

FSA