Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Dépendante d’une drogue qu’elle dit prendre pour apaiser des souffrances incapacitantes, elle est en prison depuis 5 jours.

TRIBUNAL DE CHALON - Dépendante d’une drogue qu’elle dit prendre pour apaiser des souffrances incapacitantes, elle est en prison depuis 5 jours.

« Pourquoi c’est interdit ? – Ben, parce que ça nous enlève des réflexes, ça nous diminue, en soi », et la jeune femme pousse un gros soupir.

 Au premier contrôle, en juin dernier, c’est passé sans trop de dégâts. Au second, les gendarmes retiennent son permis et la préfecture ordonne sa suspension pour 6 mois. Ces procédures sont orientées en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, en mars prochain.

Mais… troisième contrôle, au volant, sous stups, quatrième, idem. Le 30 octobre, elle est convoquée au commissariat de police et elle ne vient pas. Par contre le soir même, cinquième contrôle, elle est encore au volant ! Le parquet décide que ça suffit de faire n’importe quoi, rassemble les procédures et renvoie la jeune femme de 24 ans en comparution immédiate. 
Le juge des libertés et de la détention ordonne son placement en détention provisoire. La prévenue est incarcérée le 31 octobre. Elle est jugée ce lundi 4 novembre.

« J’ai du mal à arrêter parce que j’ai une maladie et ça atténue un petit peu (les douleurs) »

Voilà pour le condensé des faits : conduites en ayant fait usage de plantes classées comme stupéfiants, pour commencer, puis les mêmes, doublées de conduite malgré suspension du permis de conduire.

Alors, dans le box, une jeune femme aux longs cheveux, un joli visage un peu long lui aussi sur lequel se pose volontiers une moue. Elle se drogue depuis plusieurs années. « J’ai du mal à arrêter parce que j’ai une maladie et ça atténue un petit peu (les douleurs). » Sa maladie : une pathologie chronique, une polyarthrite rhumatoïde, dont elle atteste.

« Elle ne fume pas pour braver. Elle consomme pour vivre normalement »

Maître Marceau le plaidera : « Il n’est pas question de demander une relaxe, mais on a des éléments de contexte qui comptent. Pour une fois, ce n’est pas une consommation forcément festive. Madame souffre d’une maladie incapacitante. Les traitements anti-inflammatoires et antalgiques autorisés par les médecins ne suffisent pas. Elle ne fume pas pour braver. Elle consomme pour vivre normalement. Elle veut être indépendante. J’entends les inquiétudes du parquet, mais un mandat de dépôt ? »

« Il y a aussi un usage récréatif (de la drogue) » 

Le casier de la prévenue est vierge. L’avocat répond aux réquisitions. La procureur demandait une peine mixte avec un maintien en détention pour la partie ferme de 4 mois. La magistrate rappelait le dernier contrôle, non poursuivi ce jour, « on attend le retour des analyses salivaires » : « Madame n’est respectueuse ni du code de la route, ni des personnes. » C’est que sur l’un des contrôles, les policiers en ont pris pour leur grade d’insultes et de mots dévalorisants. Ils n’ont pas déposé plainte pour ça mais n’empêche que pour le parquet ça n’est pas supportable et ça colore le dossier. Enfin : « Il y a aussi un usage récréatif (de la drogue). »

« … donc vous ne conduisez pas seulement quand vous n’avez pas le choix »

La présidente, menant une instruction aussi calme que rigoureuse et précise, avait bien fait émerger l’ambiguïté de la prévenue. Elle souffre et l’on sait que le cannabis peut avoir des effets apaisants, on sait qu’elle n’est pas seule à y recourir de cette façon (ça ne légalise cependant pas l’usage). 
Pour autant, le 24 août, la prévenue affirme aux forces de l’ordre : « Je conduis parce que je n’ai pas le choix. »  Sauf qu’il est 2h50 du matin, et que lorsqu’elle travaille (intérim), ce n’est pas de nuit. « Vous aviez fait quoi ce soir-là ? – Je ne sais pas… On était entre amis. – Donc vous n’étiez pas dans un cas d’urgence médicale, vous ne portiez pas secours à quelqu’un, et donc vous ne conduisez pas seulement quand vous n’avez pas le choix. »

10 mois de prison, partie ferme aménagée

Le tribunal dit la femme coupable, la condamne à la peine de 10 mois de prison dont 4 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Obligations de suivre des soins en addictologie, de travailler, de payer les sommes dues au trésor public (quand les stups sont de la partie, le droit fixe de procédure est de plus de 300 euros, ndla), de faire un stage de sensibilisation à la sécurité routière. 
Le tribunal aménage la partie ferme de 6 mois en détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE). Permis de conduire annulé, interdiction de le repasser avant 6 mois.

La femme va sortir de prison. Un sourire enfin chasse les moues. 
« Cette maladie est incapacitante ? Avez-vous demandé l’allocation pour adultes handicapés ? » La prévenue s’était penchée vers le micro : « Je préfère pas l’avoir à mon âge. »

FSA