Chalon sur Saône

TRIBUNAL DE CHALON - Elle vole pour manger.. mais a de quoi payer son cannabis

TRIBUNAL DE CHALON - Elle vole pour manger.. mais a de quoi payer son cannabis

Le 9 novembre les gendarmes sont appelés dans un supermarché de Louhans : une femme vient de passer la caisse avec un article, sans le payer. Des filets de poulet à 5,10 euros.

 La gérante du magasin dit aux gendarmes : « J’avais vu les choses venir, j’avais verrouillé les portes. Je lui ai demandé si payer était en option. Elle a proposé de payer. J’ai préféré appeler les gendarmes. »

La prévenue est jugée ce mardi 12 novembre, en comparution immédiate, pour vol en récidive, le 9 novembre, et tentative de vol, en octobre, dans le même magasin, et aussi usage de stupéfiants parce qu’elle avait 3 grammes de cannabis sur elle.

SDF

Cette femme est née en 1988. Depuis environ 5 ans elle est sans domicile fixe, elle vit dans la rue, dit-elle, suite à « une séparation difficile ». Le fait est que son casier judiciaire démarre en 2022, c’est donc bien lié à ses errances et à la débrouille à laquelle, de fait, elle est contrainte. Elle ne travaille pas, n’a aucun revenu. Si ses pas la ramènent à Louhans, c’est que ses enfants, avec lesquels elle n’a aucun contact, y vivent.

‘Voler pour manger’ versus ‘vous avez de quoi vous payer du cannabis’

« J’avais faim », dit-elle. C’est là que le cannabis entre en jeu. « Si vous n’avez pas de revenu, madame, avec quel argent vous achetiez du cannabis ? » Réponse : « On me le donne. »
La procureur dira ne pas en croire un seul mot. L’avocate plaidera au contraire le troc : un peu de drogue contre service, mais la prévenue refuse d’en dire quoi que ce soit.

« Si elle est SDF je comprends, mais … »

La gérante du supermarché est venue à l’audience assumer son choix d’appeler les gendarmes plutôt que d’accepter que la femme paie les 5 euros : «  (…) En octobre, elle avait pris pour 75 euros de nourriture et de bières. Mon conjoint avait récupéré le sac et appelé la brigade de Louhans qui ne s’est pas déplacée. Ils devaient être occupés. Puis elle est revenue quasiment tous les jours. Je lui ai arraché le sac, je lui ai dit que je ne voulais plus la voir, qu’elle était interdite du magasin. Alors, 5 euros, c’est dérisoire, et si elle est SDF je comprends, mais on se fait piller tous les jours. On travaille du lundi au dimanche midi. On n’a jamais eu autant de vols. » 
La présidente doit interrompre la femme qui demande 200 euros pour son préjudice moral mais qui ne les aura pas car elle intervient pour la SARL et le préjudice moral d’une personne morale doit être démontré, ça ne marche pas comme pour un particulier qui agit en son seul nom.

Pour le reste, la question est : état de nécessité ou pas ? 

Pour le parquet, non

« Il y a en France bien assez de structures qui proposent de l’aide. » Pour la procureur l’état de nécessité n’est pas établi, et la femme est en état de récidive légale. A son casier : chèque contrefait, puis vol, en 2022, vol et filouterie d’aliments et de boisson, en 2023, et vol en récidive en septembre 2024. La procureur demande une peine de 6 mois de prison et la révocation des 3 mois du sursis probatoire prononcé en septembre, soit 9 mois ferme.

Pour la défense, oui

« On nous dit qu’en France on n’a pas le droit d’avoir faim ? Qu’il y a des associations caritatives ? Mais quand on vole pour 5 euros de poulet, l’état de nécessité s’impose à vous, comme il s'est imposé à elle, plaide maître Faure-Revillet. On se sert du cannabis pour faire tomber l’état de nécessité ! Mais attention, elle en obtient un peu, contre un service. Je pense qu’elle avait faim, qu’elle a volé pour se nourrir. Je plaide la dispense de peine. »

6 mois de prison, maintien en détention

Le tribunal dit la prévenue coupable et la condamne à la peine de 6 mois de prison, avec maintien en détention. Le sursis probatoire auquel elle a été condamnée en septembre dernier reprendra à sa sortie. Il faut dire que rien n’avait encore commencé, à part des démarches auprès d’une assistante sociale. « Vous avez envie de vous en sortir, madame ? – Oui. »

FSA