Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Relation violente, le couple veut rester ensemble, le tribunal les sépare

TRIBUNAL DE CHALON - Relation violente, le couple veut rester ensemble, le tribunal les sépare

 Les juges réunis en chambre des comparutions immédiates ce 2 décembre, ont dû statuer sur un dossier « pas évident ». Le tribunal in fine a tranché, à deux égards.

L’affaire se présente ainsi :

Le 29 novembre en début d’après-midi les gendarmes sont appelés à se rendre au domicile d’un couple, pour des violences conjugales. A leur arrivée, monsieur leur met un vent et va rejoindre son bébé âgé de 4 semaines, dans la maison. La victime est réfugiée chez des voisins. 
Ce couple s’est formé en avril 2021, mais les voisins témoignent de scènes violentes répétées. La femme se réfugiait souvent chez eux. Sa grossesse avait encore compliqué les choses. En avril dernier, les pompiers l’avaient prise en charge.

La femme dira qu’après leur rencontre, elle a eu un très grave accident de la route. Opérée plusieurs fois, elle n’a depuis plus de ressources. Elle dit que sa famille vit loin de Louhans, qu’elle est plutôt isolée. Elle dit aussi que son compagnon avait achevé une peine, chez lui, sous bracelet électronique, et qu’il « pétait les plombs pour rien », que dès le début de leur relation, il lui mettait des claques. 
Mais elle ne veut pas déposer plainte contre lui, elle veut juste qu’il se rende compte qu’il ne doit pas la frapper ainsi. « Le bébé a besoin de son père » dit-elle, elle veut « qu’il rentre à la maison ».

Après la scène du 29 novembre - une dispute, il l’aurait saisie par le col et lui aurait mis deux coups -, un médecin fixe 3 jours d’ITT à la victime. Les gendarmes interpellent alors l’homme et le placent en garde à vue. 
Il est âgé de 35 ans, propriétaire de la maison qu’il occupe, dit-il, une maison de famille visiblement. En ce qui concerne les faits, il conteste absolument avoir frappé sa compagne. Les gendarmes organisent une confrontation : chacun reste sur sa version.

A l’audience 

Le prévenu maintient sa position, et ça pose plusieurs problèmes. D’abord la présidente le confronte au témoignage des voisins (Le prévenu rétorque que ceux-ci lui en veulent, font tout pour l’enquiquiner), au récit spontané de la victime (le prévenu répond qu’elle est suivie par un psychiatre pour des « colères compulsives », et qu’aussi bien s’ils pouvaient dialoguer ça irait mais ils ne dialoguent pas, voilà le problème), à son casier judiciaire fort de 7 mentions dont une pour violence conjugale sur une autre femme et puis deux révocations de sursis, quand même… (Ah ben là c’est la faute à un problème de communication).

La présidente finit par renvoyer à l’homme qui parle avec aplomb et joue la carte « moi je suis raisonnable » alors que tout le monde ressent bien que non : « On a l’impression que jamais rien n’est de votre fait, monsieur. » Le prévenu ne se démonte pas et assure les juges que s’il doit aller consulter un psychologue, ou un psychiatre, ou qui on veut, il le fera ! Sauf qu’il ajoute : « Mais je ne pense pas que ça apporte une solution. »

Au minimum pas fiable, au pire, dangereux

A ce stade la messe est dite. L’homme offre un profil dont les magistrats se méfient, puisque si dans son monde c’est les autres qui débloquent, et que lui, malgré plusieurs condamnations, malgré l’aveu minimum qu’il insulte sa compagne, devant le bébé en plus, eh bien il est pour ainsi dire la voix de la raison, alors il est au minimum pas fiable, au pire, dangereux.

« Madame banalise les violences dont elle est victime »

Situation inextricable pour le procureur : « Madame est dépendante financièrement de monsieur, le bébé est très jeune, madame banalise les violences dont elle est victime. Monsieur a besoin de soins, il a une personnalité impulsive. Bien malgré moi, je ne requiers pas d’interdiction de contact puisqu’ils ne la respecteront pas. » Il demande une peine de 6 mois entièrement assortis d’un sursis probatoire.
Maître Mortier-Krasnicki plaide que la victime est perturbée, qu’elle ne se constitue pas comme victime, qu’il y a peu d’éléments pour entrer en voie de condamnation.

Le tribunal va se charger de trancher dans les VIF

Le tribunal dit le prévenu coupable et le condamne à la peine de 14 mois de prison dont 8 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans avec obligations de soins, de travailler, de suivre un stage de sensibilisation aux violences dans le couple, mais ce n’est pas tout. 
Dans le cadre du sursis probatoire, le tribunal prononce une interdiction de tout contact avec la femme, ainsi que de paraître à son domicile où qu’il soit.
Et, afin de permettre à celle-ci d’organiser son départ et son installation, c’est du moins ainsi qu’on le comprend, les juges disent que monsieur exécutera les 6 mois de prison ferme, au centre pénitentiaire.

Une sanction cousue main

En résumé : une peine d’éloignement de l’agresseur, le temps que la victime puisse se retourner, et, au cas où monsieur ne respecterait pas les interdictions de contact et/ou de paraître, alors le juge de l’application des peines qui se chargera de son suivi disposera d’une réserve de 8 mois de prison, révocables si besoin. 
En d’autres termes, les juges essaient de protéger la femme, fut-ce, du moins pour l’instant, contre son gré, et le condamné a plus à perdre à enfreindre les interdictions puisque les mois qui planent au-dessus de lui sont plus nombreux que ceux qu’il va exécuter maintenant.

Poker face

L’homme ne cille pas en apprenant sa condamnation. Impassible, imperturbable. Au cours de l'audience, il s'était repris lui-même. Voulant convaincre les juges qu’il disait vrai, il a commencé à dire : « Dans tous les faits (= à chaque fois qu’il a été poursuivi, ndla) j’ai toujours dit la vvv… » Le mot « vérité » ne sort pas. Il conclut ainsi : « J’ai toujours dit tous les faits. » Bon.

FSA