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TRIBUNAL DE CHALON - « L’autorité parentale, ce n’est pas un titre de propriété »

TRIBUNAL DE CHALON - « L’autorité parentale, ce n’est pas un titre de propriété »

Le père était venu passer les fêtes chez elle. Séparés, mais pas vraiment. Le 2 janvier, fin des fêtes : elle lui demande de partir. Il ne part pas. Des voisins ont appelé la police : on entendait l’enfant crier à son père d’arrêter.

 Les fêtes ont bel et bien pris fin pour cet homme car le 2 janvier il est violent, le 3, il est incarcéré, ce lundi 6 janvier, il est jugé selon la procédure de comparution immédiate. Au sortir de l’audience, il aura perdu l’autorité parentale et repartira en prison.

« L’autorité parentale ce n’est pas fait pour satisfaire l’ego du parent »

Si l’on répétait, comme le fait la procureur, que l’autorité parentale ce n’est pas un droit inconditionnel, est-ce que ça changerait les comportements des parents ? La procureur, en tant qu’elle représente à la fois l’autorité de poursuite et à l’audience, la société, a bien raison de le dire et de le répéter même si ce discours n’a quasi aucune chance d’avoir prise sur les gens.

« L’autorité parentale, ce n’est pas un titre de propriété. L’autorité parentale, ce n’est pas fait pour satisfaire l’ego du parent. L’autorité parentale, c’est un ensemble de droits et de devoirs qui doivent s’exercer dans un seul intérêt : celui de l’enfant. »

Pourquoi ce discours ? Parce que le prévenu, un réunionnais âgé de 30 ans, n’a cessé de revendiquer, tout au long de l’audience, son attachement à son fils mais surtout la nécessité pour l’enfant de voir son père.
Ah ben, s’il avait su, il se serait abstenu car la procureur l’a laminé. Il est vraisemblable qu’il n’en a rien saisi, c’était peut-être un peu trop pour être entendable ou bien c’était perdu d’avance, on ne sait pas. 
Par contre comme adresse à la société, que les journalistes d’audience peuvent relayer, ça en vaut un peu la peine.
On met des « un peu » partout, oui, parce qu’on sait bien qu’il ne suffit pas de dire quelque chose pour que ça soit entendu, et a fortiori compris, mais enfin ce n’est pas en le taisant qu’on fait le job.

Au point que l’enfant s’interpose entre ses parents

L’homme qui est dans le box est avec sa chérie depuis leur adolescence, ça fait 14 ans. Leur fils en a 9. 
Le problème qui rassemble magistrats, greffier et avocat, ce lundi, c’est la violence du prévenu. Le 2 janvier tout est parti de son refus de quitter les lieux, il est coutumier de cette attitude. On lui dit « non », il fait comme il a envie.
La procureur le coince parce qu’il a fait ça aussi vis-à-vis d’une injonction judiciaire : il n’a pas respecté une interdiction de contact en date de juillet dernier, suite à des violences sur sa compagne, déjà. Ce ne sont pas des violences dingues comme on en voit souvent, mais des violences plus ordinaires si on peut dire. Ordinaires et insupportables au point que l’enfant s’interpose entre ses parents.

Il reconnaît mais n’assume pas 

Y en a marre, oui, de ces dossiers qui nourrissent les rôles bi-hebdomadaires des comparutions immédiates pendant que des tas d’autres infractions sont sanctionnées en CRPC-déférement. On voit une raison à cela : rares sont les prévenus qui reconnaissent pleinement les faits de violence sur conjoint en présence d’un mineur, et qui les assument. 
Celui-ci ne fait pas exception : il reconnaît avoir « poussé » la mère de son fils, avoir « dit des mots qu’il fallait pas » (des menaces), mais il n’assume rien des conséquences à la fois sur elle et, en particulier, sur le petit, de ses actes et comportements.

Quand l’enfant doit venir au secours de sa maman

« Comment peut-on laisser un enfant grandir dans ce contexte ? Comment un enfant peut-il se développer sereinement physiquement et psychiquement quand il doit venir au secours de sa maman ? La loi interdit la violence » dit encore la procureur, et, on ajoute : c’est pas pour rien.

« Peut-être un rapport conjugal toxique »

L’avocat du prévenu ramène les faits à leur proportion matérielle. « Les violences sont caractérisées, mais il faut faire la part des choses, la nature des violences est à prendre en compte. Et puis madame déclare aux policiers qu’elle a invité le père de son fils mais ce n’est pas vrai : il est très souvent là. » Maître Duquennoy souligne le « ils » qu’emploie l’enfant pour dire que ses parents, les deux, sont agressifs voire violents. « Il y a peut-être un rapport conjugal qui est toxique » conclut l’avocat qui demande au tribunal de ne pas retirer l’autorité parentale au père, « mesure extrême ».

« Mesure extrême » pour la défense, « mesure tiède » pour le parquet. 


Le prévenu a deux condamnations à son casier : l’une date de 2015 (outrage et rébellion), l’autre, de juillet 2024, c’est pour violence sans ITT par conjoint (ordonnance pénale, avec la fameuse interdiction de contact pendant 6 mois, sauf qu’il n’a pas de logement et que sa famille à Chalon ne veut pas l’héberger pour différentes raisons).

4 mois ferme en prison puis 2 ans sous main de justice

Le tribunal dit le prévenu coupable et le condamne à la peine de 10 mois de prison dont 6 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Obligations de travailler, de suivre des soins (en addicto pour cannabis et alcool, et psychologiques). Interdictions de tout contact avec la victime ainsi que de paraître à son domicile ou sur son lieu de travail. Il devra payer le droit fixe de procédure (127 euros). Maintien en détention pour les 4 mois de prison ferme.

Retrait de l’autorité parentale

Enfin, le tribunal ordonne le retrait de l’autorité parentale. « Aujourd’hui, monsieur, vous n’êtes plus le père (façon de dire pour marquer le coup, mais bien sûr qu’il reste le père biologique, ndla) de X. Vous n’avez plus aucun droit sur lui, rien. Il existe néanmoins des procédures qui vous permettent de demander à la retrouver, mais il faudra être devenu un homme différent, que vous ayez un logement, un emploi, etc. Vous avez compris monsieur ? »

Visiblement il ne comprend pas

L’homme répond « oui » mais dans le même temps se baisse au niveau de l’ouverture dans la vitre du box qui permet de communiquer avec son avocat. Illico il parle de faire appel. Il n’a donc pas compris. 
Forcément il y a le choc de l’émotion que connaissent quasiment tous ces parents no border qui pensent aimer leurs enfants et peut-être leur sont-ils sincèrement attachés (mais comment ?), mais il y a peut-être aussi (on n’en sait rien, on ne connaît pas le prévenu) un lien possessif à l’enfant. C’est « mon » enfant. Lien dont la nature exclut la loi alors que celle-ci pour le coup s’efforce, par les limites qu’elle impose, de rendre la vie possible pour chacun et de permettre aux enfants de respirer tranquillement.

La présidente l’avait averti calmement : « La question, monsieur, c’est que quand on vous dit ‘non’, vous n’en faites qu’à votre tête. »

FSA