Chalon /autour de Chalon
Journaliste à Charlie Hebdo et auteur d’un documentaire remarqué, Antonio Fischetti est toujours droit dans ses bottes…
Par Michel Poiriault
Publié le 24 Janvier 2025 à 17h03
Si le destin n’en avait pas décidé autrement, Antonio Fischetti se serait retrouvé le 7 janvier 2015 dans les locaux de Charlie, en face des deux enleveurs de vie qui ont procédé à un carnage…Le fruit de sa résilience s’est matérialisé par un film salué dans les hautes sphères médiatiques. Interview pour info-chalon.com
Le jour où l’innommable horrifiait quantité de personnes dans le monde entier, le journaliste depuis 1997 à Charlie rendait hommage à une tante, lors de son enterrement à Saint-Loup-de-Varennes…Depuis, Antonio Fischetti, qui ne renie rien des principes et des valeurs qui l’animent, a donné vie en particulier à un documentaire intitulé Je ne veux plus y aller maman, le portant à bout de bras à droite et à gauche, notamment en Saône-et-Loire. Et la vie suit son cours, sur le terrain, ainsi qu’à l’intérieur du « bunker » surveillé comme le lait sur le feu, dont le secret est bien gardé, où les mines (de crayon) qui s’affûtent en permanence le disputent aux idées couchées noir sur blanc sur le papier, pour relater de façon débridée l’existant à tout le moins brinquebalant. Au vu des énormités en usage endurées çà et là, le journal railleur a encore de beaux jours devant lui…
Que retirez-vous de la diffusion de votre documentaire en janvier à Montceau-les-Mines, Chalon-sur-Saône, Le Creusot et Digoin ?
«Je suis très content, parce que pour moi c’est important de diffuser ce film en Saône-en-Loire, puisque comme vous savez je suis originaire de Montceau-les-Mines. Il y a plusieurs scènes qui se passent en Saône-et-Loire, par exemple à Saint-Loup-de-Varennes puisque j’étais là le jour de l’attentat contre Charlie Hebdo, ce qui m’a empêché d’être à la réunion de rédaction. Ensuite il y a des scènes de mon enfance à Montceau-les-Mines, et aussi une scène très importante avec mes sœurs aux Baudots, près de Montchanin. L’accueil a été très bon, avec plusieurs dizaines de personnes à chaque représentation, et même plus de cent soixante à Montceau-les-Mines. »
Quel est son véritable objectif ?
«C’était déjà de retracer une quête personnelle à partir du choc de l’attentat, de raconter comment on peut se reconstruire ; et puis à partir de ce slogan que toute la planète acclamait : Je suis Charlie, je me rendais compte qu’il y avait quelque chose de plus intime, de plus personnel, donc je voulais creuser ça. Je raconte mon histoire en espérant qu’elle puisse aussi concerner d’autres gens, et je me rends compte qu’il y a des gens qui sont concernés, émus, à travers ça. Et quand on parle de soi, on peut espérer aussi toucher d’autres gens. C’était ça mon objectif. »
Qu’en attendez-vous pour la suite ?
«Déjà, de le diffuser, parce qu’il y a quand même beaucoup de projections. Il est encore diffusé en salle à Paris, dans le cinéma Espace Saint-Michel. Je suis en train de faire un tour de France, en ce moment je suis en région Occitanie (interview réalisée le lundi 20 janvier NDLR). Ensuite j’aurai encore des projections à Paris, puis je repartirai pour d’autres villes : Nice, Nantes, Lyon, etc. Donc aller à la rencontre de ce public. Pour moi c’est important, parce que quand on écrit comme je le fais dans la presse écrite, on ne rencontre pas forcément les gens. On est tout seul derrière son ordinateur, et là je rencontre chaque soir des gens différents qui me parlent du film, me posent des questions. Alors voilà, j’espère continuer pendant quelque temps, de nombreuses semaines. J’ai des projections prévues pendant au moins trois mois. »
La presse est dithyrambique à son sujet. Une belle consécration ?
« Oui, ça c’était la surprise. On a eu vraiment que des échos positifs effectivement, que ce soit du Monde, du Figaro, de France Inter…Je pense qu’ils ont salué un film personnel original, puisqu’il y a déjà eu des films autour de Charlie Hebdo sur la liberté d’expression, les caricatures, mais ça n’était pas des films personnels comme le mien. Alors c’est un film qui ne plaît pas forcément à tout le monde, mais en tout cas la presse effectivement est très élogieuse, et j’en suis très content. »
Vous qui auriez dû être présent dans le quartier général de Charlie le 7 janvier 2015, lors de l’attentat, le sentiment qui domine dix ans après est-il toujours le même ?
«C’est le même, dans le sens où c’est la combativité. J’aurais pu quitter Charlie après l’attentat, comme certains l’ont fait, ce n’est pas mon cas. Au contraire, ça m’a rapproché, et je me rends compte qu’il faut continuer. Les terroristes ont dit : »On a tué Charlie ». Eh bien non, ils ne l’ont pas tué, puisque dix ans après on continue chaque semaine à faire le journal. L’état d’esprit, c’est plus que jamais de continuer pour porter nos idées, et aussi pour défendre la mémoire de nos amis qui ont été tués. »
Cette atteinte à la liberté d’expression confirme bien qu’un crayon possède un pouvoir identique à celui d’armes de destruction massive…
«Quand même, pas exactement, parce qu’on ne tue personne avec un crayon. On peut exprimer des idées, alors qu’avec des mitraillettes, des kalachnikovs, on tue, ce n’est pas pareil. On peut peut-être froisser, on peut blesser, mais ça c’est le propre aussi de la liberté d’expression. Tout le monde n’est pas d’accord. Il faut savoir accepter ça, donc je ne dirai pas que c’est la même chose, on ne peut pas les mettre sur le même plan. »
L’équipe se sentait-elle sur le fil du rasoir, ou pas plus que cela, avant le jour fatidique ?
«On savait qu’il y avait des risques et des menaces, contrairement à ce que certaines personnes ont dit : que nous étions inconscients en faisant ça. C’est totalement faux, puisqu’on a été absolument lucides vis-à-vis des risques. Dès qu’il y a eu les premières publications des caricatures en 2006, on s’est réunis tous ensemble. Philippe Val, directeur à l’époque, nous a demandé s’il fallait qu’on les publie ou pas, si on était conscients ou pas, des risques. En 2011 il y a eu l’attentat au cocktail molotov contre Charlie, entraînant des protections policières en faveur de certaines personnes de la rédaction. Il y avait régulièrement des menaces, donc on a continué. On ne savait pas que cela allait donner ce que ça a donné, on ne pensait pas que ce serait cet attentat massif contre toute la rédaction. Qu’il y ait des projets d’attentat, oui, bien sûr, nous en étions conscients. On a été surpris comme tout le monde, mais ce n’était pas du tout de l’inconscience. Il y a encore des menaces régulièrement, pour nous c’est fondamental de poursuivre. Si on abdique, on ne fait plus rien, les terroristes avanceront sans cesse. »
Tout rebâtir, ça a dû être un chantier immense ?
« Oui, ça prend du temps, j’ai fait ce film en prenant le temps, je ne voulais pas faire quelque chose de rapide sur l’actualité. Mais prendre le temps que ça prendra, même plusieurs années, et puis on continue, on ne tourne pas la page, ce que parfois les gens nous disent de faire. Non, on vit avec, mais en étant dans un état d’esprit positif, non pas tourné vers le passé. Tous les jours je pense à mes amis Charb, Tignous, Honoré…ils me construisent, me nourrissent aussi encore. On continue comme ça, il faut faire avec.»
Quel est votre domaine d’intervention ?
«Je suis scientifique à la base, j’étais enseignant-chercheur, ensuite j’ai bifurqué vers le journalisme scientifique. Donc à Charlie je continue à faire des articles scientifiques, mais pas seulement. Mon vrai statut c’est grand reporter, c’est-à-dire dire des reportages de toutes sortes sur ce qui m’intéresse. Par exemple dans le numéro sorti le 7 janvier j’ai fait un grand reportage sur les athées au Nigeria, qui risquent la peine de mort et sont en prison. C’est important, je ne fais pas toujours que des grands reportages, mais je fais en gros ce qui m’intéresse, entre la science et des reportages divers et variés. »
N’est-on pas tenté d’en rajouter une couche lorsque des forces d’opposition n’aspirent qu’à une seule chose : vous réduire au silence ?
«Ce n’est pas nous qui cherchons les emmerdements, on rebondit sur l’actualité. C’est l’actualité qui nous impose de parler de ces problèmes-là. Quand on parle, on nous dit que nous sommes obsédés par l’islamisme. Au Nigeria, ce n’est pas pour remuer la merde, parce qu’Il y a des gens là-bas qui sont menacés, qui sont tués chaque jour. Ce n’est pas nous qui suscitons l’actualité, nous la commentons. »
Le fait de devoir travailler avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête attise-t-il la créativité ?
« Je ne sais pas, on n’aurait pas cette épée de Damoclès, on en aurait peut-être une autre, mais bien sûr il y a des menaces, on réagit avec notre créativité. C’est le cas aussi dans d’autres domaines, à d’autres moments de l’Histoire. Les artistes soviétiques aussi, sous le stalinisme, réagissaient à leur manière. Bien sûr il faut qu’il y ait une part de liberté, parce que par exemple dans les dictatures islamistes, au Soudan ou ailleurs, la marge de manœuvre des artistes est assez réduite. Nous on a la chance en France de pouvoir l’exprimer, parce que la loi le permet. On le fait malgré cette épée de Damoclès. Et justement, en réaction contre cette épée de Damoclès. »
Comment va le moral des troupes au sein de la rédaction ?
« Il va bien parce que ça ne nous empêche pas de rigoler, de s’engueuler comme des amis, comme une famille. Il y a des jeunes qui ont rejoint la rédaction, on continue. »
Combien d’abonnés sont-ils à vos côtés, et que manque-t-il à Charlie hebdo pour améliorer sa voilure ?
« Franchement, les chiffres je ne peux pas vous dire exactement, puisque ce n’est pas moi qui m’en occupe, mais je sais grosso modo qu’on est à peu près sur 50.000 à 60.000 lecteurs. Ca doit être à peu près pour moitie des abonnés, et pour moitié des achats en kiosque. Il y a beaucoup de gens qui aiment acheter Charlie en kiosque, c’est le geste d’aller l’acheter. Après, on est comme toute la presse, il y a une usure de la presse écrite ; les jeunes vont de plus en plus vers Internet, ils délaissent les journaux en presse écrite. On fait office de résistance dans le journal en presse écrite, et en même temps il y a un site Internet qu’on développe pour aussi aller vers les jeunes afin de leur faire connaître le journal. On est un peu sur ces deux aspects. Ce qui manque, je dirai : attirer les jeunes vers la presse, mais ça ce n’est pas le cas uniquement de Charlie, c’est le cas de tous les journaux en fait. »
Crédit photo : DR Propos recueillis par Michel Poiriault
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