Chalon sur Saône

TRIBUNAL DE CHALON - Il la frappe parce qu’elle se drogue

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 10 Février 2025 à 19h24

TRIBUNAL DE CHALON - Il la frappe parce qu’elle se drogue

Ils s’étaient séparés trois semaines auparavant mais le 6 février il lui écrit : « Tu veux jouer ? Ok. » Avec ça, quand le 7 février au matin elle découvre son véhicule entièrement calciné, elle n’en doute pas : c’est lui qui a fait ça. Elle dépose plainte, y compris pour des violences.

 Ils se rencontrent en août 2024, elle emménage chez lui, aux Bordes, deux mois plus tard. Lui, fut toxicomane. Elle, elle dit qu’elle l’est devenue en goûtant à la cocaïne lors de soirée chez lui et que c’est ça qui a déclenché des violences à répétition. 
Il doit répondre, ce 10 février à l’audience des comparutions immédiates, de gifles au visage, de tirage des cheveux pour déplacer la femme, les 31 janvier, le 1er février, dans la nuit qui mène au 2 février, toutes à Les Bordes, et puis de la destruction de la voiture de madame dans la nuit du 6 au 7, à Verdun sur le Doubs où deux frères l’hébergeaient.

Le prévenu conteste tout

L’homme, âgé de 33 ans, est entendu plusieurs fois et rejoint madame sur un point : il n’a pas supporté qu’elle repique dans la cocaïne. Sur le reste il conteste les violences physiques et l’incendie du véhicule (« C’est moi qui a acheté la voiture, pourquoi je l’aurais fait brûler ? »). Sur ses SMS, il reconnaît qu’ils peuvent porter à confusion mais qu’il voulait juste lui signifier qu’elle le prenait pour « un c** » puisqu’elle allait acheter de la drogue tout en disant qu’elle avait arrêté.

Entre impuissance et violence, entre attachement et rejet

Le président fait un exposé très précis et complet de tous les éléments de la procédure, puisque le prévenu conteste. Il en ressort plusieurs témoignages qui parlent des violences sur madame. « Tout ce que j’ai dit correspond à ce qui s’est passé ? » demande le président au prévenu, lequel fait « Oui ».
Dans ces conditions, comment il explique les déclarations des uns et des autres ? « Elle avait connaissance de tout mon passé pénal et avec les autres, les drogués, ils ont monté tout un truc, tout ça parce que je suis avec la fille de l’un d’eux. »
Peut-on imaginer plus pathétique que cette configuration d’un ex-drogué qui fait couple avec une femme aux penchants dépendants, et qui oscille entre impuissance et violence, entre attachement (« je lui ai acheté un chien pour pas qu’elle soit seule quand je pars en déplacement ») et rejet (la drogue) ? 

« J’ai voulu essayer », « avec c’te drogue, j’ai fait n’importe quoi ! »

A la barre la femme pleure. « Je ne suis pas quelqu’un de méchant, moi. » Le président, calmement, revient sur « le point de crispation » : la cocaïne. « C’est lors des soirées, à force j’ai voulu essayer. Une fois, deux fois, trois fois, et voilà. » « Et moi je peux plus en sortir parce que quand j’en prends, je ne pense pas à tous mes soucis. » Elle ajoute : « Avec c’te drogue, j’ai fait n’importe quoi ! J’ai bouffé… 1300 euros pour… » Puis, résolue : « Ça va prendre du temps mais je vais remonter, je vais remonter. »

Le procureur requiert une peine de 18 mois de prison avec maintien en détention

« A mon sens il y a eu des violences commises à l’encontre de madame, ces dernières semaines » dit le procureur qui s’emploie à le démontrer. Le magistrat retient plusieurs éléments et déclarations (dont celles de la nouvelle compagne du prévenu), et enfin le dossier pénal (déjà condamné pour des violences, y compris sur conjointe avec incendie du véhicule, il fut incarcéré pour ça) : le prévenu est en état de récidive légale. Le procureur demande « une peine conséquente » : 12 mois de prison et 6 mois de révocations de sursis antérieurs avec maintien en détention.

La défense plaide une relaxe

« Je vous plaide la version de mon client » dit maître Bernard au tribunal. L’avocate rappelle aux juges qu’ils ne sauraient condamner qui que ce soit en l’absence de preuves, et que de preuves ici, il n’y en a pas. Pas d’éléments médicaux au dossier ; bien des témoignages sur le 26 janvier alors que cette date n’est pas dans les préventions. 
« Nous sommes d’accord sur la fragilité de cette dame, mais elle est dépendante de la drogue et les frères qui l’hébergent le sont aussi, ainsi que de sa voiture pour aller en acheter. Lui (le prévenu), ne veut plus de cette drogue à son domicile. C’est cohérent avec sa version. »

Le prévenu a la parole en dernier 

« Quand on s’est connu, c’était vraiment bien. J’ai essayé de tout faire pour elle. Quand je vois ce qu’elle monte contre moi, je ne sais pas quoi dire. Ok, y a eu des mots que j’aurais pas dû dire... Mais j’aurais jamais dû lui présenter ces gens-là : ils l’ont rentrée là-dedans. »

Relaxe pour la destruction de la voiture, condamnation pour les violences

Le prévenu est relaxé pour l’incendie de la voiture « faute d’éléments probants », dit qu’en revanche « un faisceau d’indices » penche du côté de violences effectivement commises, condamne le prévenu à la peine de 10 mois de prison avec maintien en détention, révoque 1 mois du sursis de 2021 et 1 mois du sursis de 2022, avec incarcération immédiate.

Ça fait 12 mois de prison ferme dont le tribunal ordonne l’aménagement en détention à domicile sous surveillance électronique. Le but de cet aménagement : que le condamné reprenne rapidement le travail (il est en CDI) et ne perde pas son logement (il est propriétaire mais a des crédits pour travaux).
Peine complémentaire : interdiction de tout contact avec la victime ainsi que de paraître à son domicile où qu’il soit, pendant 3 ans.

Ne pas « tout perdre », une nouvelle fois

L’homme avait témoigné de ce qu’il avait « tout perdu » lors d’une précédente incarcération. Le tribunal gage sur cette dégringolade pour le motiver à conserver ce qu’il a récupéré (travail, logement, sevrage des toxiques), en adoptant un mode de vie plus protecteur.

FSA