Société

Le bruit, un facteur de risque trop souvent négligé

Le bruit, un facteur de risque trop souvent négligé

Loin d'être anodin, le bruit permanent qui entoure les travailleurs provoquerait des acouphènes chez quelque 8,5 millions d'actifs, et ce, en dépit d'une réglementation qui impose aux entreprises de protéger leur personnel contre ce type de risque.

 L'exposition au bruit obéit au même cadre réglementaire de prévention que tout autre risque professionnel. Évaluation, réduction et protection sont donc les règles d'or des entreprises en la matière. Mais entre théorie et pratique, il y a parfois un gouffre…


IDENTIFIER UN PROBLÈME LIÉ AU BRUIT
De façon générale, le ministère du Travail précise qu'il faut prendre des mesures de prévention dès lors qu'on se trouve dans certaines situations caractéristiques sur un lieu de travail. C'est notamment le cas en présence d'une « ambiance sonore bruyante, comparable à celle d'une rue à grand trafic, d'un restaurant très fréquenté ou encore au bruit d'un aspirateur, pendant la majeure partie de la journée ». La « nécessité d'élever la voix pour tenir une conversation à 2 mètres de distance, et ce, au moins durant une partie de la journée » doit aussi déclencher des actions. Même chose lorsque les salariés sont amenés à utiliser des « outils ou équipements motorisés bruyants pendant plus de la moitié de la journée » ou qu'ils sont exposés à des «bruits occasionnés par des impacts (coups de marteau, forgeage au pilon, outils pneumatiques de démolition) ou de sources explosives (outils à cartouche explosive, détonateurs, armes à feu)».
Enfin, certaines branches réputées bruyantes sont, de fait, soumises à des obligations de prévention, comme le bâtiment, diverses industries (produits minéraux, bois papier, agroalimentaire et textile…), la plasturgie, la métallurgie et transformation des métaux ou encore la construction automobile et des équipements mécaniques.


DES SEUILS DE DANGER
De façon plus précise, la réglementation s'appuie sur des seuils de bruit pour déclencher des actions spécifiques de protection. Comme l'explique l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), il s'agit de déterminer « le niveau d'exposition sonore quotidien exprimé en dB(A) et le niveau de pression acoustique de crête exprimé en dB(C), qui correspond à des bruits intenses mais courts ».
Les premières mesures doivent intervenir dès lors qu'on franchit le seuil de 80 dB(A) d'exposition moyenne sur une journée de 8 heures de travail ou que le niveau de crête dépasse 135 dB(C). On estime en effet que ce niveau sonore est déjà préoccupant. C'est pourquoi les salariés doivent être correctement informés des risques, disposer de protecteurs individuels contre le bruit (PICB), du type bouchons à insérer, ou avec arceaux, ou encore casque anti-bruit et bénéficier d'un examen audiométrique préventif à leur demande. Mais le seuil de danger au-delà duquel des dommages peuvent survenir est fixé à 85 db(A) par jour ou 137 dB(C). Au-dessus de ces valeurs, un programme de réduction de l'exposition au bruit doit donc être mis en place, les accès aux lieux les plus bruyants doivent être limités et un contrôle de l'utilisation des PICB effectué. Enfin, la législation interdit aux entreprises de dépasser les seuils maximums de 87 dB(A) par jour et 140 dB(C) de niveau de crête en exigeant des mesures immédiates de réduction du bruit.


TOUS CONCERNÉS
Troubles de l'audition, risque accru d'accidents, augmentation du stress ou encore troubles du sommeil font partie des répercussions de santé connues de l'exposition au bruit sur le lieu de travail. Pourtant, les enquêtes annuelles menées par l'Association nationale de l'audition se suivent et se ressemblent. Ainsi, d'après la neuvième édition publiée en octobre 2024, « près de 10 millions de Français en poste vivraient des difficultés de compréhension de la parole à cause du bruit au travail et pour 8,5 millions, cette gêne aurait des répercussions en termes d'acouphènes ».


Sans surprise, les professionnels de l'agriculture et de l'industrie (72 %), du BTP-construction (83 %), mais aussi des salariés travaillant en open space (73 %) sont les plus touchés. Cela dit, personne n'est épargné ! Plus d'un actif sur deux se déclare également gêné par le bruit dans le commerce (55 %), les services (58 %) ou encore l'administration (62 %). Même les nouveaux modes de travail réputés plus calmes n'échappent pas aux nuisances sonores : 65 % en flex office, 62 % en bureau fermé et 56 % en télétravail…


Or, sur les 62 % d'actifs qui se disent gênés, à peine un quart a déjà entamé une démarche pour se prémunir du bruit (demande d'un équipement de protection individuelle, test auditif ou consultation d'un médecin). De même, la réponse des entreprises ne semble toujours pas à la hauteur puisque 56 % des travailleurs estiment que les enjeux de santé auditive ne sont pas suffisamment pris en compte, sachant que 53 % des sondés se sont vus proposer des solutions pour réduire le bruit.


J.P.