Chalon /autour de Chalon
TRIBUNAL DE CHALON - Des facettes du milieu des narcotrafiquants à travers des notes d’audiences
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 20 Mars 2025 à 08h10
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« Le trafic entre la Saône-et-Loire et les Pays-Bas tournait, les quantités étaient suffisantes pour assurer de bons revenus aux têtes du réseau, les petites mains recevaient des miettes, tout allait plutôt bien. La galérance a repointé le bout de son triste museau au moment même où des policiers de la BRI ont pété le pare-brise arrière d'une BMW pour jeter des grenades lacrymo dans l’habitacle. C’était le 15 mai 2018, peu après la barrière de péage de Gye.
(…) L’enquête s'intéresse à plusieurs gîtes (à Merceuil, à Thurey, à Santhenay et même à Buxy) loués à différentes périodes sous différentes identités. Les véhicules qui viennent les visiter ont des rapports avec différents protagonistes, lesquels comparaissent pour répondre essentiellement d’association de malfaiteurs et de trafic de drogue. Ils encourent tous une peine de 10 ans de prison, voire le double pour ceux qui sont en récidive, pour avoir, en Saône-et-Loire et en Côte d’Or, de mai 2017 à juin 2018 (périodes modulées en fonction des dates des interpellations des uns et des autres et des preuves de leurs implications) importé, transporté, détenu, de la drogue.
De premières interpellations sont décidées à la fin d’un voyage, début mai 2018. Les enquêteurs suivent les hommes du début à la fin, et les voient se passer des sacs, jusqu’à une maison de Marsannay-la-Côte. On y saisit environ 7 kilos de résine de cannabis, 1,2 kg de cocaïne, 2,5 kg d’héroïne, 15 kg de produit de coupe, on trouve aussi un brouilleur d’ondes - on en trouvera plusieurs un peu partout au cours de l’enquête. D’autres arrestations sont faites lors du go fast des 14 et 15 mai, au péage de Gye. Dans la BMW, des sachets thermosoudés contenant 75 kilos d’herbe de cannabis, des cartouches de calibre 9, et un brouilleur. Les dernières interpellations ont lieu en septembre 2018.
La procureur expose au tribunal les ponts qui vont des uns aux autres, et qui dessinent la nébuleuse d'un trafic auquel tous participaient, ne serait-ce qu'en facilitant la logistique (en prêtant des véhicules, en achetant des GPS traceurs, en hébergeant de faux papiers, des passeports, de l'argent, etc.) indispensable à la commission de l'infraction. »
Les conjoints, en particulier les femmes, s’impliquent souvent
« En prison D. a pu compter sur le soutien de sa compagne, une jeune femme de 24 ans. Il lui a demandé des puces de téléphone, lui a donné les consignes pour les passer, emballées dans de la cellophane fermée avec du scotch double face, planquées dans son soutien-gorge. Un petit morceau de shit aussi, de la musique sur une clé USB. A deux reprises un tiers s’est trouvé devant le centre pénitentiaire pour assurer la transmission. La compagne fut mise sur écoute. Le 20 décembre 2015, elle dit à la sœur de D., « l’avocate m’a dit ‘quand même il est dans la merde. Il faut vraiment qu’aucun nom de ressorte, sinon ça sera pire’. Tu vois, il ne faut pas qu’ils remontent à la source ». Et D., à l’audience, répond à la présidente : « Je ne vois pas de quoi vous parlez. »
Les stups, c’est des armes, y compris des armes de guerre
« Dans les jolis sous-bois de la forêt du Breuil, à l’été 2013, on pouvait trouver en creusant un peu, 43 kilos de cannabis, 2 fusils d’assaut (kalachnikov), un pistolet mitrailleur de calibre 7.62, deux revolvers dont un Smith et Wesson, deux pistolets automatiques dont un Beretta de calibre 9, deux fusils à crosse et canon sciés, un fusil à crosse revolver, des chargeurs et des munitions de différents calibres. Les amateurs de ce genre d’articles ne manquent pas, 19 d’entre eux sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône. Ce lundi 19 mars, seuls 14 sont présents : 3 détenus dans le box, les autres furent placés sous contrôle judiciaire. On compte davantage d’avocats. Le procès durera la semaine entière. »
Les stups, c’est l’exploitation des autres
Août 2020, Montceau, Saint-Vallier, Le Creusot : « Voilà le tableau : un toxicomane, sous main de justice puisqu’en sursis mis à l’épreuve, très confus et très écorché, récupérait chaque jour vers midi trois sacoches contenant de la drogue en sachets. Une pour le Creusot, une pour Montceau, une pour la ZUP. Il les remettait aux revendeurs, et le soir récupérait les enveloppes d’argent, pour un total de 4000 à 4500 euros par jour, dit-il. Il tenait la comptabilité et chaque « trou » lui était imputé. A ce rythme il restera en dette jusqu’à la nuit des temps. En attendant, les enquêteurs ont trouvé son logement dans un état terrible, des excréments de chiens jonchant le sol autour des lits des enfants : signalement. Chaque jour, dit encore le prévenu, chaque revendeur prélevait 20 euros pour l’essence, « 10 euros de manger », et « 50 euros de paie ». Il devait bien le spécifier dans le carnet de compta. »
Les stups, c’est des actes de barbarie
« Le 22 août 2022, X (la future victime) se rend au quartier du Plessis à Montceau, pour acheter de la cocaïne. Son fournisseur lui remet alors une sacoche contenant de la cocaïne pour la revendre.
La victime dit que le 25 août, on lui vole la sacoche. Le 26, X se décide à le dire à H., et son calvaire commence : H. dit ne pas le croire et exige le remboursement de la drogue.
D’abord des coups, des coups, des coups. A., 32 ans, s’y colle et cogne, cogne, cogne, jusqu’à casser la batte de baseball sur le tibia de X.
Les coups ne cessent pas, on empêche X de s’endormir. « A chaque fois que je fermais les yeux, on me donnait une baffe. » Puis D., A. et B. prennent la suite. Batte de baseball, tendeurs, sécateur.
X passe des appels, cherche de l’argent, en vain. Alors qu’il est déjà blessé et complètement amoché, insulté sans relâche également, terrorisé et épuisé, on arrive au dimanche 28 août.
H. contraint X à ramasser des tessons de bouteille, des bris de verre, et à se mettre nu. Puis il contraint cet homme, une fois nu et déjà blessé par deux jours de tabassages, à se coucher sur les morceaux de verre. H. ferme le coffre sur sa victime puis démarre et roule « en mode rallye » comme l’a dit un coprévenu. »
Les stups, c’est des hommes de main
« Le 6 décembre 2022 à Cuiseaux, des individus, habillés en noir et cagoulés, ont embarqué un homme dans le coffre d’une Peugeot 308. Ils ont conduit leur prisonnier dans un bois, l’ont attaché à un arbre, l’ont battu et l’un d’eux lui a planté un couteau dans la cuisse. « Plaie profonde. » La 308 utilisée sera retrouvée, calcinée, huit jours plus tard, dans le Jura.
En cause : le « vol » de 2 kilos de têtes de cannabis. Le supplicié a fini par dire que ces 2 kilos se trouvaient cachés chez un prénommé X. Derechef, les cagoulés débarquent chez X. Le chérubin (né en 2003) qui est dans le box ce jeudi était alors armé d’un fusil à pompe, il a reconnu avoir planté le couteau dans la cuisse de l’homme attaché à un arbre. »
Dans ce milieu y a jamais d’argent mais y en a quand même
« La tête présumée du réseau ne vivait qu’avec une allocation pour le logement de 350 euros, ne travaillait pas, ne déclarait aucun revenu, ce qui ne l’empêche pas d’avoir convié à son chevet des pointures des barreaux de Grenoble et de Lyon, après avoir mené grand train dès sa dernière sortie de prison. En juillet 2015, il est en Algérie. En août il va en Espagne et au Portugal, en septembre il retourne en Algérie, en décembre et en janvier on pouvait le croiser à Londres, puis à nouveau en Algérie, puis à l’été 2016, au Maroc où il retrouve des connaissances. A Marrakech dans un hôtel 5 étoiles que font-ils ? Ils profitent du soleil, de la piscine, du room service on le suppose, et puis ils se filment, et offrent aux enquêteurs le spectacle d’un D. super détendu criant, rappelle la procureur : « On est là ! Nique la police ! ». »
« Marié, père de 3 enfants, B. est un électricien-soudeur sans travail depuis des années, la famille vit avec le RSA et des allocations, pour un total de 1200 euros. Il a pourtant choisi un cabinet parisien pour sa défense dont le patron a dépêché, à Chalon-sur-Saône, ce 13 novembre, un de ses collaborateurs. »
Des condamnations lourdes
10 ans de prison et 150 000 euros d’amende, à 32 ans
Septembre 2018 : « Au fond de la salle, plus de vingt policiers. Au centre se tient le chef du parquet du TGI de Chalon-sur-Saône. Le tribunal a retenu les éléments qui constituent l’association de malfaiteurs et condamne X, 32 ans, à 10 ans de prison, et à 150 000 euros d’amende. Il est maintenu en détention. Le tribunal ordonne la confiscation de tout l’argent saisi au cours de l’enquête.
« Une association de malfaiteurs a bien existé. » Le tribunal a listé les éléments matériels constituant l’infraction, dont la multiplicité des lignes de téléphone, l’existence de lignes jumelées, la détention d’armes et de munitions, la feuille de comptes, la séparation de l’argent et des produits, différents lieux de stockage, l’utilisation de logiciels pour crypter les communications, des téléphones pgp (Blackberry hautement sécurisés), l’aide financière et le soutien apporté à un membre après son interpellation pour permettre aux autres de continuer. »
10 ans de prison et 100 000 euros d’amende
Juin 2023 : « Le tribunal a rendu ses décisions concernant les 10 prévenus impliqués à des degrés divers dans deux trafics de stupéfiants, ce mercredi 7 juin en milieu d’après-midi.
C’est ainsi que X, creusotin d’origine, jugé en état de récidive légale, a été condamné à la peine de 10 ans de prison, à 100 000 euros d’amende et à une interdiction de séjour en Saône-et-Loire pendant 5 ans assortie de l’interdiction de détenir et de porter une arme.
Seconde peine importante : Y est condamné à 7 ans de prison et à 30 000 euros d’amende. A sa sortie, il sera interdit de séjour en Saône-et-Loire pendant 5 ans. Idem pour l’interdiction de détenir/porter une arme. »
La toxicomanie, ça détruit
En 2018, Montceau : « Elle a 38 ans, il en a 33, mais leur jeunesse a cédé sous les assauts des toxiques, ils sont marqués, terriblement. D’ailleurs ils ne tiennent pas bien le coup debout à la barre en ce jeudi 8 novembre, et ont tôt fait de s’asseoir. Elle, arguant de sa grossesse, et lui parce qu’il a trop bu avant de venir. Ils ont volé une console de jeux le 21 août dernier au magasin Leclerc de Montceau, l’ont revendue le lendemain au Planet Cash de Torcy. Avec les 150 euros tirés du butin, ils ont pu acheter « 5 à 6 doses d’héroïne ». Ce n’était pas la première fois. Le montant du RSA est bien insuffisant à apaiser la tyrannie du manque. »
Le milieu du narcotrafic est sans pitié
En 2019, Montcenis : « Comment on en vient à consommer de l’héroïne et de la cocaïne ? » lui demande le président. Du box nous arrive ce souffle exténué : « En 1996, après les violences conjugales on a placé ma fille. C’est ça qui a fait. J’arrivais pas à comprendre qu’on puisse se détruire comme ça, et au final je suis devenue ce genre de personne. Quand on m’a enlevé ma fille… je sais pas… je n’avais plus de but. J’ai d’abord pris des drogues de synthèse et puis de l’héroïne. Si on l’appelle comme ça, c’est que c’est toujours elle qui gagne. »
La prévenue est en état de récidive légale. La voilà au pied de son mur, une fois encore, à remâcher sa vie sous toxiques et ses conséquences. Parmi elles, de grandes difficultés respiratoires qui s’entendent à chaque expiration, à chaque inspiration. Le ciel respire mieux, pas elle. »
2018, Ecuisses : « La toxicomanie n’a rien de soft, de doux, de prévenant, elle est dure, son milieu est sans pitié et sans le moindre égard vis-à-vis des fragiles puisqu’il s’en nourrit et prospère sur leurs dos. Mère de famille nombreuse si jeune, elle a fait un mariage malheureux, avec un toxicomane. Violent, maltraitant, rien de soft ni de doux : les humains sont comme l’eau, ils retournent souvent à leurs sources. Dans la vie de S. l’eau est acide, corrosive, elle fait mal. »
Chute et rechute
2018, Le Creusot : « Un passé de polytoxicomane dont il s’était sorti. Depuis 2009, plus aucune condamnation, il ne se drogue plus, il a trouvé un équilibre dans sa vie de famille, son couple, sa fille, 10 ans aujourd’hui. Oui mais voilà : il y a un an, il perd son père et son équilibre avec, et il replonge. Son traitement de substitution n’y change rien : « ça fait un an que je prends de l’héroïne tous les jours ». Pour en consommer quotidiennement, il faut des sous, or ce n’est pas une famille qui a des sous. Alors la virée à Maastricht en janvier dernier pose question, parce qu’il a des dettes de stups, évidemment, et « quand on est menacé, on n’a pas le choix ». Il sera jugé en juin, par une autre juridiction, pour « importation de stupéfiants ». »
Effets de déchéance
2017 : « On a été expulsées de notre appartement ! Si on dealait, on serait riche.
– Non madame. Il y a deux types de dealer : celui qui ne se drogue pas et qui s’enrichit ; celui qui consomme et qui revend pour payer sa consommation. »
La présidente borde le cadre face à cinq prévenus dont trois femmes qui répondent ce vendredi 15 décembre d’un petit trafic de stups (héroïne principalement) sur Chalon et le Creusot en 2011 et 2012. Faits anciens, « vieux dossier », mais les effets de déchéance, sous nos yeux, parlent davantage que les questions de grammes achetés et/ou vendus.
Comment ont-elles plongé dans l’héroïne ? « On m’a fait montrer le produit », « des amis m’ont fait montrer. » Des amis. « Montrer », c’est goûter, et visiblement on plonge vite après ça. Le reste de l’histoire, finalement, ce sont les conséquences de cette dépendance.
C. est née en 69 à Oran, « la radieuse ». De ce ciel lumineux est arrivé en France une petite fille à la peau mate et au nez aquilin, gorgée de soleil et de contes berbères. De radieux elle n’a plus que le foulard qui masque ses cheveux, un foulard bleu, si clair, si beau. Pour le reste elle est devenue une femme maigre qu’on imagine décharnée au plus fort de sa toxicomanie. Elle porte un bas de jogging beige, un pull, et tourne un visage sévère vers les coprévenus, un visage inquiet vers sa fille, S., 24 ans aujourd’hui, mère de 3 jeunes enfants et seule avec ses petits, sans qualification, sans emploi, mais « grâce à l’incarcération, j’ai un traitement de substitution ». L’incarcération ne s’est pourtant pas déroulée sans peine, la toute jeune femme a été hospitalisée, « suicidaire ». »
Les enfants, victimes aussi, paroles de condamnés
« Les grandes victimes collatérales de ce réseau sont apparues dans les derniers mots des prévenus : les enfants des uns et des autres.
« Je regrette, dit l’une. Je veux aller de l’avant. Je veux récupérer mon fils. J’ai perdu beaucoup. »
« Je regrette ce que j’ai fait, dit un autre. J’ai été incarcéré à Dijon, ça n’a pas été évident. J’essaie d’avancer pour récupérer mon fils à la sortie. »
« C’était très compliqué, ces deux années. Je ne vois plus ma fille. J’ai compris. Je veux récupérer ma fille, c’est la chose la plus importante pour moi. »
FSA



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