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TRIBUNAL DE CHALON - Il menace de mort dans l'enceinte du tribunal en récidive - 10 mois de prison ferme

TRIBUNAL DE CHALON - Il menace de mort dans l'enceinte du tribunal en récidive - 10 mois de prison ferme

On avait quitté ce prévenu le 7 mars dernier sur une condamnation à 12 mois de prison assortis d’un sursis probatoire. On le retrouve ce 7 avril, dans le box cette fois ci, pour avoir commis de nouvelles infractions, dans l’enceinte du tribunal judiciaire...

 ... et « à deux pas du bureau du juge de l’application des peines » qui le suit, a insisté la procureur qui a requis pendant presque 30 minutes : le temps de demander une peine significative au nom de la dangerosité d’un homme qui, comme nous l’avons écrit (lire ci-dessous) reste border dans le choix de ses infractions.

La question de la dangerosité est un serpent de mer social qui traverse les siècles : peut-on préjuger de la dangerosité de quelqu’un ? Non, on ne peut pas.  Qu’est-ce qui permet ici de l’estimer, et conduit la procureur à demander une peine de 10 mois ferme pour des faits de menaces de mort à l’encontre de sa future ex-épouse, en récidive ? 

Eh bien exactement la même chose qu’en mars : le prévenu semble inaccessible à ce que dit la loi. C’est en réalité un euphémisme : cet homme est fermé à double tour sur lui-même et ses fantasmes de vie idéale, de père idéal, d’enfants idéaux, qui le taraudent puisque c’est lorsque sa femme a demandé qu’ils se séparent qu’il a dégoupillé. Alors, la loi, dans ces conditions, perd sa consistance et ça, c’est dangereux.
Son avocat a de nouveau plaidé pour « un homme en souffrance ». C’est sûrement vrai mais ça ne change rien quant à ce pour quoi il est de nouveau jugé. Comme l’a dit la procureur : « Monsieur est responsable de ce qu’il fait. »

Les faits 

Il fut question à l’audience du 6 mars dernier, de celle à venir le 1er avril avec un juge aux affaires familiales. C’est ainsi que madame et monsieur se présentent, séparément, au tribunal. Lui, il a une interdiction de contact et s’empresse de l’enfreindre par quelques mots anodins mais qui fichent d’emblée un coup à la femme. Elle vit comme sur une plaque chauffante depuis des mois, elle est fragilisée. 
Plus tard, il s’est approché d’elle, lui a dit « je vais te démonter » accompagnant les mots du geste qui mime l’égorgement. Couic. 
La femme s’est effondrée en sanglots, paniquée, au point, dira encore la procureur, que la juge aux affaires familiales et la greffière, qui ont vu monsieur parler à madame puis constaté l’état inquiétant de la femme, ont rédigé un PV qu’elles ont adressé au parquet. 
L’homme reste sur sa position : la juge et la greffière se sont trompées, et s’il a fait un geste, c’est celui de se gratter la gorge, parce que sa barbe le démange parfois.

Comme en mars : « Je ne suis pas violent »

Avec ça l’audience va être longue, mais tout se résume en quelques phrases côté prévenu : « Les émotions l’ont emporté. Je suis désolé, je n’ai pas vu mes enfants pendant trois mois. Je ne suis pas violent, et je veux voir mes enfants », « Je ne suis pas violent envers madame, je ne toucherais jamais un cheveu de sa tête, mais les émotions l’emportent », « Je ne suis pas violent, je suis quelqu’un de respectable et j’aime mes enfants ». Une forteresse, on vous dit.

Lui et « son nombril » comme dira la procureur

Ce qu’il dégage est toxique et c’est cela qui fait perdre son temps à tout le monde, parce que les juges respectent les étapes qui conduisent à établir une culpabilité mais que lui, il parvient, par ses interventions sans rapport avec les faits mais bien en rapport avec lui et « son nombril » comme dira la procureur, a « confuser » un peu, non pas les esprits des magistrats mais la marche de l’audience. 
Il est si gluant dans sa façon de faire, qu’une des juges assesseures va mettre les choses au point : « Monsieur, les émotions, on s’en fiche ! Vous avez violé l’interdiction de contact, vous venez de le reconnaître. Vous n’avez pas à vous poser en victime. »

La toxicité de sa posture se ressent, comme à la dernière audience, encore à ceci : 

On lui dit que madame a « peur » de lui, et voilà ce qu’il en fait : « Sur la peur, y aura aucun souci, je ne toucherais jamais à madame. » Même procédé que lorsqu’il disait « moi j’aboie mais je ne mords », donc ses enfants seraient un peu ridicules de le craindre désormais. 
C’est pervers, il nous semble, que de terroriser femme et enfants, par des cris, des reproches, des menaces de mort ou pas de morts, une violation de domicile, etc., pour dire ensuite, en quelque sorte : Allons, c’est ridicule, j’ai rien fait, j’aboie, c’est tout. 
Ça c’est dangereux : il veut faire douter chacun de la légitimité de ce qu’il ressent, alors qu’il a déjà été incarcéré pour violation de son contrôle judiciaire et condamné il y a un mois (lire article ci-dessous). 
Ce qui est inquiétant, c’est son obsession. Ça commence en fixette, ça tourne en rengaine et ça insiste. Il y a de quoi flipper, et c’est bien le sens des réquisitions.

« Des menaces de mort, proférées dans une enceinte judiciaire »

« Il commet de nouvelles infractions, des menaces de mort, proférées dans une enceinte judiciaire, là où justement il y a de la triangulation pour éviter des passages à l’acte. Et juste à côté du bureau du JAP ! Et alors qu’il a été condamné le 6 mars. C’est éloquent. Ça révèle un sentiment de toute puissance de la part de monsieur, qui est inquiétant. »

« Plus jamais le ministère public ne laissera passer quoi que ce soit »

Ça révèle aussi une volonté de possession, l’autre doit lui appartenir et ça le mène loin (ça fait échec à la triangulation : pas de tiers, que toi et moi). Mais l’institution judiciaire ne l’a pas raté et la procureur passe une couche supplémentaire en le regardant : « Plus jamais le ministère public ne laissera passer quoi que ce soit. » Elle dessine devant les yeux du prévenu, un avenir jonché de comparutions immédiates se succédant à chaque nouvelle infraction. « La sécurité de la victime prime. »

Le prévenu n’a pas bougé d’un iota, campé sur sa position

Maître Bouflija, pour la victime, justement décrivait une femme qui ne vit plus en sécurité, affolée à l’idée de croiser cet homme qu’elle ne reconnaît plus, paniquée d’avoir à sortir dans les rues. Et si jamais il était là ?
Maître Marceau plaide « la souffrance incessante » de son client, contre une incarcération (« l’environnement carcéral pose des difficultés et ce n’est pas là qu’on a un bon accès aux soins »).
Le prévenu a la parole en dernier : « Si on ne m’avait pas convoqué (au tribunal pour l’audience JAF, ndla), je serais resté chez moi. Je veux juste continuer mon sursis probatoire et je vais le respecter. »

10 mois ferme, des peines complémentaires en sûreté

Le tribunal condamne cet homme à la peine de 8 mois de prison ferme et révoque 2 mois du sursis prononcé le 6 mars, avec maintien en détention, le sursis probatoire reprendra à sa sortie. 
Comme il avait été requis, le tribunal prononce en outre des peines complémentaires : interdiction de contact avec la victime, interdiction de paraître à son domicile, interdiction de porter une arme, pendant 2 ans. 
Ce sont des verrous de sûreté : s’il arrivait que tous les mois attachés au sursis probatoire soient révoqués et qu’il n’y ait par conséquent plus les mesures qui vont avec, eh bien subsistent ces interdictions et de surcroît leur violation constituerait de nouvelles infractions, et cette fois-ci le compteur des peines démarre à 10 mois ferme.

Des larmes

L’audience est levée, les personnes venues y assister sortent, plusieurs sont en pleurs. Parce que c’est dur, c’est violent ; parce que ça entraîne un cortège de difficultés chez tout le monde ; parce qu’il est impossible de faire entendre raison à quelqu’un qui s’est blindé, muré. Impossible, quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse. 
Peut-être que l’envers de la toute puissance affichée est une impuissance ravageante ? Maître Marceau a dit ce mot, « impuissance ». Mais quand cela s’origine dans un fantasme de possession, alors ça peut, oui, mal finir. La procureur le rappelait aux juges : « Pas d’obligation de résultat (c’est comme prédire la dangerosité, ça relève d’un impossible, ndla), mais une obligation de moyens. » 
Si et seulement si, un jour, quelque chose s’ouvre dans cet homme, il deviendra alors possible d’esquisser un avenir au paysage dénué de comparutions immédiates. Mais ça, c’est comme le reste, on ne peut pas le prédire.

FSA

L’article du 6 mars dernier : 

« Incroyable. Relaxé le 8 janvier en appel, de faits de harcèlement envers son épouse, il se pointe le 9 chez sa future ex-épouse et y entre de force, sûr de son « droit ». La femme est équipée du TGD, le téléphone grave danger. Elle l’a actionné. C’est ainsi que les gendarmes de Montchanin se transportent illico sur les lieux, vers 20 heures.

Il est à la barre, ce 6 mars. Un homme de 50 ans, qui vit au Creusot et fait mine d’entrée d’audience d’être très à l’aise. Trop, sans doute. En réalité, le prévenu sera « trop » en tous points, diffusant un malaise dans la salle d’audience. 

Les faits peuvent sembler mineurs au regard de bien des violences converties en hématomes, en points de suture, en incapacités temporaires de travail. Et pourtant c’est une situation violente et hautement toxique. Le prévenu n’a d’ailleurs cessé de le démontrer en cherchant à renverser les situations. 

En raison de la personnalité et des positions du prévenu, l’instruction est longue

La présidente le recadre plusieurs fois, le ramène à son attitude, aux faits, à la procédure. Elle prendra un peu de temps avec une de ses assesseurs pour lui indiquer l’endroit où les autres, ses enfants en particulier, existent, et qu’il ne peut décemment pas sacrifier tout le monde sur l’autel de son « moi, je » et son cortège de dénis.

Des aveux en creux

Condamné en première instance pour harcèlement, donc, l’homme se voit relaxé en appel. L’interdiction de paraître au domicile est donc caduque. Dès le lendemain il entre sans y être invité dans l’ex domicile conjugal (violation de domicile) en s’exclamant : « Ah enfin chez moi ! Je suis chez moi. » 
Or tout le monde a peur. Sa fille va se réfugier dans la salle de bain. La femme le prévient qu’elle va appeler les gendarmes. Réponse : « Si tu appelles les flics, je te tue. » (Menaces de mort) Il va forcer l’ouverture de la salle de bain. 
Maître Bouflija s’étonne de ce geste si violent dans un lieu d’intimité où la jeune fille s’était mise à l’abri. 
« A ce moment-là, je n’y ai pas pensé » répond le prévenu qui par-là fait l’aveu qu’il était bien hors de lui « à ce moment-là », à ouvrir les tiroirs qui renferment les couteaux : tout le monde l’a cru alors capable du pire. Il assure que non pas du tout, mais enfin ses gestes suscitaient la panique.

« Je ne suis pas violent »

Ce détail est important parce que le prévenu conteste presque tout : il est entré sans forcer, il n’a pas menacé (la présidente lui oppose tous les témoignages), parce que, répète-t-il « je ne suis pas violent ». 
Les juges ont hélas l’habitude de ces profils et ne sont dupes de rien.

Violence psychologique à l’encontre de sa fille qu’un enregistrement établit sans discussion possible

L’homme doit aussi répondre de faits en date du 26 novembre. Sa fille et une de ses amies étaient venues déjeuner avec lui au Creusot. Tout a mal tourné une fois l’amie déposée. Le père, déjà agressif, rappelle à sa fille qu’elle est « obligée » de passer le week-end suivant chez lui. L’adolescente lui dit qu’elle n’a pas envie de ça, et l’homme explose en griefs contre la mère. Il est si virulent que la jeune fille enclenche l’enregistreur de son téléphone : 14 mn ponctuées de « ferme ta g… ».

Discours offensif

Alors, alors, peut-il contester ici aussi ? Il ne peut pas, mais au lieu de reconnaître il part dans un discours qui part de sa « grande victoire » devant la Cour d’appel. « Je savais que je n’étais pas coupable. » A noter que la justice ne dit jamais cela, mais bon. Il parle de son fils, de sa fille, dit « OK » toutes les deux phrases ce qui renforce le côté offensif du discours. Sa voix monte dans les aigus. La présidente lui rappelle tout ce qui figure à la procédure, à charge contre lui, il répond encore : « Non je n’ai pas menacé. »

Une juge assesseur met des mots sur le « mal placé » du prévenu 

Sur la violation de domicile ? L’homme est indigné, trop indigné. On ne peut pas tout relater ici mais il ne cesse pas de montrer au tribunal à quel endroit il se place. Tantôt dominant, tantôt persécuté, tantôt manipulateur, etc. Mal placé, donc. Et il met vraiment dans le malaise puisqu’il va jusqu’à tenter de se servir de propos qu’aurait tenus la présidente à l’audience d’août, en les interprétant à son avantage (alors même qu’il avait été condamné). La présidente coupe court : « Vous avez à répondre de plusieurs infractions. »

Le prévenu finit par reconnaître les faits de violence psychologique. Le procureur dira le reste, et le dira bien. 
Une juge assesseur met des mots sur le « mal placé » du prévenu : « Là, c’est l’homme blessé qui parle. Vous ne parvenez pas à regarder les choses avec recul, c’est dommage. » Il répond en instillant un peu de poison, parce qu’au final si tout va si mal pour ses enfants, c’est parce que c’est leur mère qui…

Sa fille : « Pour l’instant, je ne veux pas le voir »

La mère en question vient à la barre dire : « Je voulais juste divorcer. Je pense qu’il faudrait qu’il se questionne sur la façon dont il gère les enfants quand il les a avec lui. Je veux qu’ils se sentent en sécurité quand ils sont avec lui. »
La fille du couple vient à la barre dire : « Pour l’instant je ne veux pas le voir. Il parle mal de maman. »

Sur la base de propos aussi clairs que raisonnables, la présidente essaie d’amener le prévenu à considérer la situation autrement, à réfléchir. Peine perdue, il répond franco : « Ma fille grandit, elle va avoir son premier copain, moi je veux profiter de son adolescence, je ne veux pas perdre ces moments-là. »

La présidente : « Vous apparaissez centré uniquement sur vous »

Il dit tout, cet homme, tout. « Je veux profiter de son adolescence. » La présidente : « Vous apparaissez centré uniquement sur vous. » Ben oui, mais il n’entend rien. Blessé, il l’est incontestablement mais sa façon d’y répondre, à cette blessure, est insupportable. 
« Moi j’aboie mais je ne mords pas. » Voilà une autre façon d’évacuer les faits, ses gestes, ses propos, tout. C’est juste des « aboiements » et que ces enfants plus jeunes en aient peur, finalement c’est idiot, n’est-ce pas ? Que sa fille, plus grande, use de son droit à disposer d’elle-même, c’est inacceptable. Pourtant ses enfants ne lui appartiennent pas, il suffit de relire la définition de l’autorité parentale telle que la loi la dit, pour le savoir.

L’autorité parentale : « Elle se mérite »

Maître Bouflija intervient pour madame et aussi pour les enfants représentés par leur mère. « Beaucoup de ‘je’ dans le discours de monsieur », observe l’avocate qui reprend les éléments à charge (elle rappelle qu’un des fils a envoyé des sms en temps réel à un ami) et conclut : « Ces enfants ont besoin d’être protégés. » Elle met dans les débats la question de l’autorité parentale : « Elle se mérite. »

Le procureur ne rate pas la cible, « une particulière violence »

« Monsieur a fait vivre une scène d’une particulière violence à madame et à ses enfants. » C’est le procureur qui parle. Matthieu Philippe s’est levé, il garde un timbre de voix chaud et constant mais il ne va pas rater sa cible. 
Le magistrat cerne la situation avec une justesse qui mérite d’être soulignée et qu’on résume ainsi : ce prévenu est certes accessible à la sanction pénale mais reste, à ce jour du moins, inaccessible au discours pénal, étranger à ce que dit la loi en matière de relations entre les personnes. Or la loi ne dit pas que la famille est une sorte de magma indifférencié au sein duquel on fait ce qu’on veut au nom de « mon droit », « mon enfant », « ma femme », « mon domicile ».

« Monsieur parle de lui, de ses droits, et jamais ne parle de ses devoirs »

« Ce père qui met en avant le caractère essentiel de sa relation avec sa fille, et qui par ses actes, illustre sa volonté de lui nuire… Monsieur parle de lui, de ses droits, et jamais ne parle de ses devoirs. »
Sur la relaxe obtenue en appel : « La relaxe n’est pas un blanc-seing pour terroriser votre femme et vos enfants, monsieur. » Les faits de violation de domicile et de menace de mort avec ordre de remplir une condition (ne pas appeler les forces de l’ordre) sont constitués.

Sur l’enregistrement de la scène horrible dans l’habitacle de la voiture du prévenu : « ça va au-delà du fait d’être ‘blessé’, estime le procureur. Monsieur hurle, sa fille pleure. Elle dit : ‘s’il te plaît, laisse-moi’, ‘arrête j’ai mal au ventre’. Il lui répond : « ferme ta g… » et conclut par : « tu as gâché ma soirée ». Ce sont des propos d’une violence inouïe. »

« Vous avez à juger un homme impulsif et qui n’assume pas ce qu’il fait »

De surcroît, le procureur relève que monsieur a enfreint son premier contrôle judiciaire (ce qui lui a valu d’être incarcéré), et « on apprend à l’audience qu’il a enfreint le second » (en adressant des mails à son épouse via la messagerie d’un tiers). 
Le procureur s’adresse au tribunal : « Vous avez à juger un homme impulsif et qui n’assume pas ce qu’il fait, qui ne reconnaît que s’il ne peut pas faire autrement. »

« Il faut un cadre, aujourd’hui » 

Le procureur Philippe requiert une peine de 18 mois de prison dont 8 mois seraient assortis d’un sursis probatoire avec interdiction de contact avec madame, de paraître à son domicile et sur son lieu de travail, ainsi que le port d’un bracelet anti-rapprochement et le retrait de l’exercice de l’autorité parentale sur les trois enfants. « Une ligne rouge a été franchie, madame doit pouvoir prendre seule les décisions concernant les enfants. » Puis il conclut : « Il faut un cadre, aujourd’hui. »

La défense se déporte du côté où se place le prévenu : en dehors du cadre que les lois imposent

Maître Marceau intervient en défense. Il plaide l’absence de tout casier, il plaide pour un homme « aux traits abandonniques » qui avait « construit une famille avec l’idée de la famille idéale et qui se trouve privé quasi de tout, en peu de temps ». La plaidoirie se fait sensible, pour ce père qui s’occupait de ses enfants, qui les aime, etc. Mais la plaidoirie du coup se déporte du côté où se place le prévenu : en dehors du cadre que les lois imposent en principe jusque dans les vies dites privées.

« Pour un père qui n’a jamais fauté avant »

« Aujourd’hui je suis estomaqué par l’ampleur de la peine requise que je trouve d’une grande violence, pour un père qui n’a jamais fauté avant. Je vous demande de faire preuve de raison : c’est quelqu’un qui a besoin de s’investir pour ses enfants. » On retrouve là le langage du prévenu : il a « besoin » de, là où les magistrats, siège et parquet réunis, n’ont cessé de pointer qu’en étant violent, le père est passé hors cadre.

Pendant le délibéré, le prévenu va demander quelque chose au procureur, les coudes et avant-bras étalés sur le rebord du perchoir. On voit bien qu’il y a un tropisme à chercher à brouiller les limites. « Il faut un cadre », disait le magistrat. 
Or, les temps ont changé. La décision du tribunal en est une illustration parmi d’autres.

Décision : deux ans sous main de justice 

Le prévenu est dit coupable de tout ce qu’on lui reprochait. Le tribunal le condamne à la peine de 12 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec obligations de soins psychologiques, de travailler, de payer le droit fixe de procédure (254 euros). Interdictions de tout contact avec madame, ainsi que de paraître à son domicile et sur son lieu de travail. 
Ces mesures prennent effet immédiatement.

Retrait de l’exercice de l’autorité parentale

L’homme devra payer en outre une amende de 500 euros pour les violences du 26 novembre. 
Enfin, le tribunal ordonne le retrait de l’exercice de l’autorité parentale du père sur ses trois enfants, « pour permettre à madame de prendre les décisions concernant les enfants, seule, pour le moment ». 
Attention, l’homme ne perd pas l’autorité parentale, non. Il pourra voir ses enfants, il faudra qu’un juge aux affaires familiales fixe un cadre, lors du divorce. Mais d’ici à là, la mère peut respirer un peu et cette décision prive l’homme des moyens de faire des histoires pour tout. 
Tout cela est temporaire mais si jamais la situation ne rentrait pas dans l’ordre, eh bien le tribunal a prévu 12 mois de prison, révocables au besoin.

Le condamné est déclaré entièrement responsable des préjudices causés à la mère de ses enfants ainsi qu’aux enfants eux-mêmes, il devra leur verser des indemnités. »

FSA

[Addenda : La loi est passée, comme on dit. Cette affaire est l’occasion d’observer à quel point les discours en vigueur à un moment donné ordonnent les relations sociales, y compris en justice. Il y a 15 ans, des hommes du même profil s’en sortaient. Parce que les faits sont, dans ces cas de manipulation, souvent border. Les faits sont là mais dans une frange aux contours un peu flous, dans des contextes de séparation dont les mis en cause jouent immanquablement : c’est la mère, c’est elle qui manipule les enfants (et le fait est que ça existe, oui, parce que tout existe). 
Les franchissements de lignes, les colères, les démonstrations de force, l’arbitraire, le chantage affectif, les insultes entre quatre murs, les pressions par tous moyens, ne manquaient pas d’avoir des effets toxiques, d’insécuriser au plus haut point les enfants.
Mais le déni faisait son œuvre. La revendication de sa probité (casier vierge) ne manquait pas d’être brandie en argument. 
La justice reculait souvent. Elle n’a pas reculé, ce 6 mars, parce qu’il y a un passif, parce qu’il y a des témoins et un téléphone grave danger, certes, mais aussi parce que les discours ont changé. Les violences, physiques et/ou psychologiques, ne sont pas admissibles dans ce cadre qui pourtant se les autorise volontiers : la Sagrada Familia.]