Chalon sur Saône
Welcome to Fukushima à Chalon
Publié le 12 Mars 2014 à 08h00
Annabelle Simon a remercié le cinéma Axel de Chalon d’accueillir le documentaire et l’écologie dans les salles et de rendre cela accessible à tout public.
Poignant ! C'est le mot que disent les Japonais quand un moment poétique les émeut. Mais chez nous, il s'agit d'émotion bouleversante et indicible. C'est poignant d'entendre les Japonais comme vous et moi parler de leur désarroi devant ce qui leur arrive, de partager leur question avec nous, avec le reste du monde. Car deux fois, les Japonais ont été meurtris dans leur chair et sur leur terre par le nucléaire. Hiroshima, et ce terrible accident nucléaire survenu à Fukushima, il y a 3 ans, qu'on a presque oublié déjà, pris par notre vie quotidienne et parce que les médias dans le monde n'en parlent plus.
Alain de Halleux, très sensible à la question du nucléaire a réalisé trois films sur le nucléaire et voici "Welcome to Fukushima." Ce film ne retrace pas l'historique, ne parle pas du côté scientifique, mais des gens. Il est allé filmer les habitants sur place à Minamisoma, près de Fukushima.
Roland Desbordes, du Criirad à Valence, est venu présenter le film et répondre aux questions des spectateurs après la projection.
Alain de Halleux, réalisateur belge, a fait trois documentaires sur le nucléaire, sur les intervenants dans les centrales, "Tchernobyl for ever" et deux versions sur Fukushima. Il a rencontré beaucoup de gens sur place et les écoute. Les Japonais sont en général discrets sur leur vie privée et intérieure, ils ont une maîtrise parfaite de leurs émotions et ne les communique pas à tout-va.
Dans ce documentaire, les Japonais parlent de leur situation, de ce qui leur arrive, ils posent les bonnes questions au monde, au gouvernement. Aucun discours, aucune démonstration, pas de cris ni de violence. Le choc est d’autant plus grand. Ils pointent du doigt ce qui doit l’être : l’utilisation du nucléaire et ses conséquences. Ce mal invisible qui contamine tout et dont les dégâts sur le corps humain se déclarent 10, 20, 30 ans plus tard. Indélébile sur le sol, la terre, l’air, l’eau. Comment eux, qui ne recevaient pas même l’électricité produite par cette centrale de Fukushima, sont touchés par quelque chose qui ne faisait pas partie de leur quotidien puisque l’électricité produite par cette centrale bénéficiait aux habitants de Tokyo.
La nature est vitale pour un Japonais, les kamis l’habitent, l’animent. Un kami est une divinité. La nature est kami. Les fleurs continuent de s’ouvrir, les animaux de gambader, les arbres, tout semble intact, tout a l’air d’être comme avant, mais tout est touché par la radioactivité. La nature nourrit, la terre porte les hommes, elle régénère, elle élève, elle épanouit l’âme, elle est l’essence de la poésie au Japon.
Maintenant, ils n’ont pas le droit d’y aller, elle est devenue ennemie et on n’a nul moyen de combattre la radioactivité. Des moyens dérisoires, retirer le sol sur 5 cm de profondeur. On contemple la mer, elle va et vient avec son lot de menace. Jusqu’où en profondeur, jusqu’à quand. Et l’homme qui parlait aux arbres et aidait des enfants autistes dans la nature dont le centre à peine construit est fermé, et la fleuriste, le travailleur de la centrale, le père de famille, la mère, l’adolescent, la fillette…
Et les enfants ? Qui jouaient librement, qui touchent à tout, qui palpent le sol, tout est contaminé. Les empêcher de jouer ? Enfance détruite. Quel avenir ? Ils avouent ne pas savoir ce que c’est la radioactivité, mais ils comprennent bien qu’ils ont mal, se sentent malades, et certains en sont totalement désaxés.
Alors il faut apprendre à vivre avec ce mal, la radioactivité. Dans ce lieu contaminé. Rester. Car certains ont fait ce choix et peu à peu la population revient. Par manque d’argent, parce que les ancêtres ont besoin des rites et que les rites sont peut-être aussi la seule chose qui reste aux vivants. Parce que personne ne veut des contaminés. Parce qu’aucune solution n’est mise en place, rien, pas même un compteur geiger.
Les Japonais ont cherché sur internet et ont trouvé le Criirad de Valence, ils ont appelé à l’aide. Le Criirad leur a envoyé du matériel, d’abord des compteurs geiger, puis un appareil d’analyse de contamination des aliments…
Tout le film parle ainsi de ce bouleversement au quotidien, de vies chamboulées à un point inimaginable. Alain de Halleux a fait un grand documentaire. Un témoignage essentiel.
La salle a posé les questions habituelles. Un public pour la plupart de convaincus, des militants contre le nucléaire. Une écologiste considère que la nature est toujours la nature même après une catastrophe nucléaire (intacte !) Des scientifiques, aux questions très intéressantes mais très techniques. Et aussi des gens ordinaires. Avec la question comment agir, comment changer dans sa vie quotidienne.
Le Criirad recommande d’être vigilant aux décisions et aux choix des gouvernants qui font des lois sous la pression des lobbys, et souvent en été quand tout le monde est en vacances, ou sans que la presse en parle. Etre vigilant aussi aux minis-accidents nucléaires qui se passent ici en Europe et dont Areva et Edf ne parlent pas. Il y a des solutions. Les associations sont actives et se multiplient. On peut malgré tout être optimiste sur un changement possible des mentalités et cela passera par réduire les besoins énergétiques, réduire sa consommation, réduire le gaspillage.
Annabelle Simon, de l'association ACTE, association chalonnaise de la transition écologique -et citoyenne, propose un cycle de trois films documentaires sur l'écologie. Ce soir sur Fukushima et la question du nucléaire.
Le 8 avril "Supertrash" sur les déchets, le recyclage, et la surconsommation, et un débat avec des gens qui s’occupent de ça. Le 13 mai "Au nom de la terre" sur Pierre Rabhi. En partenariat avec la Bobine.
Annabelle Simon a remercié le cinéma Axel d’accueillir le documentaire et l’écologie dans les salles et de rendre cela accessible à tout public. Elle a évoqué la situation actuelle de Fukushima. Il y a du tricium dans l’eau. Les réacteurs ne sont pas refroidis, le combustible en fusion est peut-être descendu dans la terre à travers la dalle de béton de la piscine, personne ne sait, les robots mis dans la piscine du réacteur sont tombés en panne. Il y a toujours le danger des séismes fréquents dans la région. Comment traiter tout cela ? Problème de main d’œuvre. Etre vigilant est essentiel car on a déjà vu cela à Tchernobyl, car nos gouvernants sont assez irresponsables. Il ne faut pas baisser les bras et continuer de militer et de défendre la vie.
Le dvd du film Welcome to Fukushima est disponible au Criirad,
voir le site www.criirad.org, Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité.
S.B.
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