Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - Alcool et violences familiales ne font pas bon ménage
Publié le 06 Février 2018 à 07h36
« Je suis folle, va falloir vous y faire ! » Petite, jeune, dense, cheveux courts, des coquards impressionnants à chaque œil, et la voix enragée. Elle a pris de vilains coups. Son compagnon est à la barre, on l’a placé hier sous contrôle judiciaire. La scène a eu lieu le 2 février à Etrigny, Amélie (prénom modifié) a posé plainte à la brigade de la gendarmerie de Sennecey, et puis elle a demandé à retirer sa plainte, mais « les gendarmes n’ont pas voulu », alors que « putain, mais vous comprenez pas ? Il y est pour rien ! » Elle prévient la présidente Foucault, qu’elle « commence à monter ». Elle monte, en effet, à toute blinde.
Son compagnon se tourne vers elle : « Laisse-moi m’expliquer. » La présidente lui demande de sortir, mais elle a déjà perdu les pédales, le substitut du procureur va chercher un agent de sécurité. La scène sera longue et ultra violente.
« C’est pas lui qui m’a tapée à la gueule ! Je suis une merde ! » Elle hurle. L’agent de sécurité s’approche d’elle, elle le pousse. Elle est dans l’enceinte de la barre. « Non je sortirai pas. Faites pas chier ! » La jeune femme fonce vers le prévenu, elle repousse à nouveau le vigile. « Il n’a pas à être là ! Vous me lâchez, vous ! » Elle balance un grand coup de pied dans une des chaises qui pourtant lui était destinée, côté partie civile. « Vous me tenez pas, je vais vous en coller une ! Je vais tout péter ! » La présidente suspend l’audience, demande au public de quitter la salle.
Amélie n’a plus son blouson. Elle a dû le faire glisser quand l’agent de sécurité lui a pris le bras. « C’est Clément X. qui lui a tourné la tête, il n’y est pour rien. » Elle est au cœur de l’arène, elle sort son paquet de clopes. « C’est interdit », lui rappelle l’agent de sécurité qui essaie de rester arrimé à la raison bien qu’elle ait manifestement désertée la jeune femme. « Mais je le prends, ce droit, parce que je vous emmerde tous. » Il prévient qu’il va devoir la ceinturer. Elle tire une taffe, la légère odeur de tabac ne masque pas les vapeurs d’alcool. Elle a bu, cette jeune femme. Le vigile fait sauter la cigarette, puis le paquet. Elle se jette sur lui, ses lunettes valdinguent, à cet instant Dominique Fenogli, substitut du procureur, survole les marches d’escalier : à deux, ils finissent par la plaquer au sol.
Elle hurle, « je suis fatiguée, putain, je vous emmerde tous ». Râles, halètement, la tour de contrôle est déserte elle aussi, les nerfs ont pris le pouvoir, et cela lui donne de la force, dirait-on. La greffière reste médusée, le tribunal s’est retiré, mais la furie ne rend pas les armes, « je vais vous casser la gueule ». Enfin, quelques sanglots. L’agent de sécurité lui parle, doucement, calmement, « calmez-vous, ça ne sert à rien, vous verrez, ça ira mieux après. » Elle crie, elle pousse des cris qui deviennent des hurlements lorsque 3 policiers prennent le relai. Ils la menottent. Elle se débat, mais ils sont 3. « On va s’assoir, madame ? – J’ai demandé à retirer ma plainte, mais ils n’ont pas voulu. »
Ça repart, et les policiers qui la maintiennent ne peuvent pas relâcher leurs pressions. « Reprenez vos esprits, madame. – J’avais demandé à retirer ma plainte, mais… Vous comprenez pas. » Pleurs. « Allez, calmez-vous. Madame, on va se lever doucement, on va aller au commissariat. – J’en ai rien à foutre. » Dès que les hommes relâchent un peu, elle se cabre. « On va aller voir un officier, vous pourrez lui causer. » ça doit faire 40 minutes que ce bout de nana tient tout le monde en haleine. Les policiers la relèvent. Les deux coquards plantés sur son visage égaré lui donnent l’air ivre, d’ailleurs, elle titube. A force de se débattre, deux boutons de son chemisier ont sauté, les policiers n’ont pas le droit de faire ce geste, alors ils demandent à sa copine de revenir dans la salle et de la rhabiller correctement. Ça ne va pas être possible. La copine se fait jeter, « Tu sais pas qui je suis ! T’as toujours pas compris ? » Et l’équipage embarque à l’arrière de son véhicule une petite et nerveuse jeune femme, « fragile, à cause de son enfance », en couple depuis 9 ans avec le prévenu (il a 27 ans), tous deux parents d’une petite fille qu’ils ont eue très rapidement. Une jeune femme qui a pris de méchants coups le 2 février. Une jeune femme qui ne parvient pas à tenir les rampes, et qui, lorsqu’elle a bu, devient cette boule de nerfs incontrôlable.
La présidente Foucault ne se laisse pas impressionner par la crise de nerfs et le prévenu est jugé sans aménité car « les coups étaient disproportionnés ». Ce soir-là, whisky… Amélie va péter les plombs. Son compagnon est un taiseux, elle est en tel manque affectif qu’elle lui reproche de ne pas lui porter assez d’attention. Elle rumine. Le fameux Clément X était là. Les dépositions ne concordent pas tout à fait, mais il est clair que le prévenu n’était pas en état de légitime défense, même s’il est clair qu’elle était partie en vrille. « Oui, c’est mal de faire ça, et ça me fait mal de la voir comme ça, c’est horrible de voir quelqu’un qu’on aime se détruire. »
Bon. Neuf ans qu’ils essaient, qu’ils se séparent, qu’ils y reviennent. Un pacte, entre eux, ne pas boire trop d’alcool, pacte non tenu. Maître Sarikan plaide les efforts de ces deux-là, « associés dans la vie, et associés professionnellement, Amélie X. a fait une formation pour seconder son conjoint. » L’avocat rappelle l’écrasante responsabilité qui leur est tombée dessus, si jeunes, un enfant. Responsabilité écrasante dès l’instant où l’on n’a pas les capacités de tenir les rampes avec constance. Une auditrice de justice avait rappelé au jeune père que « le rôle du parquet, c’est aussi de signaler la situation de l’enfant ».
Le couple s’était engagé dans une situation professionnelle commune, qui exige un labeur soutenu, et une constance dans les résultats quotidiens. Le logement est au-dessus du commerce, c’est Amélie qui l’a loué, et c’est lui qui va devoir laisser la place. « Le but n’est pas de vous accabler plus que ça, ni d’obérer votre situation professionnelle, explique l’auditrice de justice, mais la justice n’a pas d’autre moyen que de demander une interdiction de contact avec la victime. »
Le tribunal condamne le jeune homme à 4 mois de prison totalement assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans. Interdiction de tout contact avec la victime. « Il faut saisir le JAF le plus rapidement possible pour organiser la garde de l’enfant et les droits de visite. Vous devrez résider hors du domicile conjugal. »
Amélie ne voulait pas. Amélie subitement s’est fichu de tout, voulait « tout péter », voulait « casser les gueules », elle-même elle gueulait. Elle a hurlé, menacé, pleuré, parce que personne ne comprenait. Ne comprenait quoi ? Que c’était de sa faute ? « C’est ça, souvent, les victimes, a dit la présidente au jeune père, elles ne peuvent pas se passer de celui dont elles dépendent. » Que c’était pas la faute de son chéri ? « Un conjoint et un père doit se maîtriser, monsieur, disait l’auditrice de justice. Vous n’avez pas su vous maîtriser. » Amélie a 15 jours d’ITT.
« Elle est formidable, c’est une bonne personne et une bonne mère, a répété son désormais ex-conjoint. Il faut juste qu’elle se soigne. »
FSA
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