Chalon /autour de Chalon
Éléonore AUBIN : « En me reconstruisant, j’ai découvert le shiatsu »
Publié le 22 Mai 2020 à 08h55
Après un grave accident de la route, elle choisit une nouvelle voie : se reconstruire grâce au shiatsu, et reconstruire des animaux, chiens, chevaux, « cassés » comme elle l’a été. Une révélation qui est devenue sa profession.
J’aurais aimé écrire cet article le 8 mars. Non pas qu’Éléonore Aubin incarne ni défende particulièrement les droits des femmes, non. Disons plutôt que c’est une jeune femme qui a trouvé sa voie d’une façon aussi courageuse que peu ordinaire. Mais jugez-en vous-même.
Comment l’histoire d’Éléonore Aubin a-t-elle commencé ? Quand ? Est-ce après l’accident de voiture qui l’a laissée, à 21 ans, avec de lourdes blessures à la colonne vertébrale, à la jambe gauche et au pied qu’il a fallu reconstruire ?
Est-ce avec l’acquisition de Vassandra, cette jument fracassée, elle aussi, dans une chute lors d’une course d’obstacles ? La douleur, ce dénominateur commun, semble avoir été l’aiguillon qui a guidé Éléonore vers une voie qui sera la sienne.
« En reconstruisant Vassandra, je me reconstruisais, moi »
C’est certain, l’accident a tout remis en question. Avant lui, c’était le monde professionnel de la comptabilité et de la gestion. Après lui, la douleur qui tourne en boucle, la rééducation, du fauteuil roulant aux béquilles. Le parcours du combattant. « Un an après l’accident — je marchais encore en béquilles —, j’ai lu une annonce : une jument était à vendre après un accident de concours d’obstacle. Elle avait une fracture à la hanche, le côté gauche, comme moi. J’ai eu le coup de foudre. » Elle achète Vassandra.
Ce coup de foudre n’est pas une lubie. Depuis toute petite, Éléonore est passionnée de chevaux : à 3 ans, elle était sur sa première selle. Elle a fréquenté différents clubs équestres, différents entraineurs où elle montait les chevaux qu’on lui confiait, dressait, débourrait, travaillait les chevaux de course. Jusqu’à ses 20 ans, elle faisait de la compétition, les championnats de France. Éléonore connait bien le monde équin, le cheval est sa passion. Elle rêvait d’en faire son métier, mais ses parents l’ont convaincue d’en faire un loisir : le monde du cheval est un monde fermé.
Vassandra, Éléonore, deux destins unis dans la douleur : « On était similaires, très liées l’une à l’autre. On s’est reconstruites ensemble. En reconstruisant Vassandra, je me reconstruisais, moi.»
Le shiatsu pour les chevaux : une révélation
« Je cherchais toutes les possibilités pour soigner ma jument, mais mes connaissances étaient intuitives, j’ai vite compris leurs limites. Environ 1 an et demi après mon accident, je lis un article sur une école de shiatsu équin (ESE) d’Aix-en-Provence. On y proposait un week-end d’initiation, j’étais ignorante en ce domaine, j’ai tenté. » On y parlait de l’énergie qui circule, de plantes, de connexion avec les arbres… Sa première réaction était sceptique et amusée : « Dans la famille, on est cartésiens, je me demandais si c’était une secte. »
Et puis, devant la dizaine de personnes venues à ce week-end d’initiation, la formatrice — ex-ingénieure agronome — a fait une séance de shiatsu « basique » sur un cheval. « Cette jument sortait du pré, explique Éléonore, elle était bouillonnante, pleine de fougue. De manière générale, le cheval est un animal facilement inquiet, nerveux, attentif à tout ; alors, imaginez, nous étions 10 personnes autour de lui ! Quand la formatrice a commencé le shiatsu, tout à coup, le cheval est devenu serein, comme endormi pendant toute la séance. Il était dans un état de pleine conscience. Ça a été un choc pour nous tous, observateurs. Parce qu’un animal ne peut pas mentir ! »
Un autre phénomène a achevé de convaincre la sceptique Éléonore : l’effacement de ses douleurs, pendant ces deux jours, malgré le voyage en voiture, malgré les longues positions debout, immobiles. Ces douleurs qui ne la quittaient plus depuis l’accident, qui tournaient en boucle et qu’elle faisait taire à coups d’antalgiques. Là-bas, rien, pas de recours aux médicaments. « Je me suis dit que je n’y avais pas pensé, parce que j’étais intriguée par ce que je découvrais. Aujourd’hui, avec la pratique professionnelle, je comprends qu’il y a eu autre chose : quand on travaille avec les énergies, ces mêmes énergies circulent et nous équilibrent, soignant comme soigné. » Éléonore repart d’Aix-en-Provence à contrecœur, des questions plein la tête. C’est décidé : elle s’inscrit aussitôt à cette formation, à raison de 2 jours par mois pendant 3 ans. « En plus, ça a soigné ma phobie de la voiture ! » glisse-t-elle avec le sourire.
Des guérisons impressionnantes grâce au shiatsu
Pendant ces 3 années de formation, Éléonore devait réaliser de nombreux travaux pratiques sur des animaux — cheval ou autre — et des comptes rendus, afin de réinvestir les techniques apprises. La jument Vassandra, puis Jana et Patch, les deux chiens “psychiquement cassés” qu’elle a recueillis auprès de l’association Respectons (dans l’Yonne), en feront avec elle l’incroyable expérience.
La jeune femme n’oubliera jamais son premier TP : ses premiers gestes de shiatsu sur Vassandra. L’accident hippique et le manque de rééducation n’avaient pas seulement laissé les séquelles physiques, la jument était souvent violente, pleine de colère, de peurs et de douleurs. On ne pouvait pas lui toucher le dos ni la mettre au pré avec les autres, parce qu’elle supportait mal le contact et avait perdu toute confiance dans l’humain. « Cette première séance n’a pas été de tout repos ! se souvient Éléonore. Au début, sous la pression de mes doigts, elle était surprise, méfiante, d’autant plus qu’elle était pétrie de douleurs. J’ai continué, doucement, jusqu’à ce qu’elle relâche sa tension. À partir de cet instant, l’effet a été impressionnant ! Ça a été miraculeux : au fur et à mesure des séances, elle a changé du tout au tout. Aujourd’hui, elle est calme et vit au milieu de mes autres chevaux. »
Pendant que nous parlons, Jana, joyeuse Jack Russel de 6 ans, vient déposer une balle sur mes genoux, elle m’invite au jeu. Son histoire est similaire. Chienne battue par son précédent maitre, elle refusait toute proximité avec un humain quand Éléonore l’a recueillie. Puis le shiatsu a agi sur elle, comme sur tous les animaux que traitera la jeune femme.
“On m’appelle la sorcière”
Devenue diplômée de shiatsu pour animaux, Éléonore commente ses séances : « Le shiatsu signifie ‘pression de doigts’. Il s’agit d’appuyer sur les points d’acupuncture pour soulager le mal. Les animaux que je traite ont tous la même réaction : d’abord circonspects, soudain ils lâchent prise et semblent dormir. Ils sont très réceptifs parce qu’ils ressentent rapidement le bienfait que ça leur procure. Parfois, mes séances sur un cheval peuvent durer 2 heures sans qu’il bouge un cil.
J’ai beau faire ça tous les jours, je me dis parfois que ça tient du miracle : je n’arrive pas à tout comprendre, toute la portée de ce qui se passe, parce que l’effet continue à agir après la séance. Pour la plupart des gens, ce que je fais dépasse l’entendement, mais ils constatent l’amélioration sur leur animal. C’est pour ça que certains m’appellent ‘la sorcière’ dit-elle en riant. »
La communication animale
Pourtant, le shiatsu n’a rien de paranormal. « Ce sont des techniques basées sur le magnétisme, la méditation, la bioénergie ; mais les gens ne sont pas familiarisés avec ces phénomènes, qu’on retrouve en sophrologie, par exemple. J’utilise donc le terme de communication animale. En résumé, il s’agit de placer l’animal dans un état particulier, d’ancrage en méditation (état que connaissent tous les animaux) et de me connecter à lui dans une transmission émotionnelle pour trouver ses traumatismes et tenter de régler les problèmes. On entre en communication avec l’animal par le canal énergétique. »
La communication intuitive : son travail sur l’humain
Mais le cheminement d’Éléonore ne s’arrête pas là. Au fur et à mesure de sa pratique, elle a découvert l’effet ‘exponentiel’ du shiatsu dans son propre corps, dans sa vie. « Je me rends compte aujourd’hui que je ne suis plus la même. Je sais pourquoi je fais ce travail, ça a donné un sens à ma vie, précisément parce que le shiatsu, plus qu’une méthode, est un vrai cheminement physique et psychique qui conduit au lâcher-prise. »
L’idée de travailler sur l’humain est venue plus tard, en écho aux demandes de certains propriétaires d’animaux : « Dis, tu as fait du bien à mon chien. Est-ce que tu pourrais m’aider ? J’ai mal à tel endroit… » Éléonore, avide de connaissances supplémentaires par tempérament, se forme au magnétisme humain. « Le travail énergétique fait ressortir les blocages émotionnels. J’ai réalisé combien ils pouvaient nous tenir éloignés de ce que nous sommes. Les gens peuvent passer toute une vie sans se connaître. Le mal-être dans notre corps et dans notre esprit vient de là. La force du shiatsu, c’est de donner au corps et à l’esprit l’énergie nécessaire pour se purger et se reconstruire. »
Nathalie DUNAND
[email protected]
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